Cela fait plusieurs fois qu’on nous demande un spectacle de danse orientale à Mezgarne, la plupart du temps ce sont des clients qui pratiquent la danse orientale, et qui voudraient voir un spectacle authentique au Maroc. Et à chaque fois, notre réponse est la même : la danse orientale n’a rien d’authentique au Maroc, en tout cas au Sud, c’est un spectacle importé, et proposé uniquement à la demande des touristes, européens et plus encore moyens-orientaux (saoudiens, émiratis…).
[Cet article avait été écrit sur le blog de Mezgarne, notre agence de voyage désormais fermée, d’où la référence aux clients. Il répondait à une question souvent posée qui commençait à me fâcher un peu ! Même sans agence de voyage, je crois qu’il reste intéressant.]
La danse orientale, comme son nom l’indique, est orientale.
Et le Maroc, qui s’appelle en arabe Al Magrhib, c’est à dire « le plus loin au couchant », n’est pas oriental, mais occidental.
La danse « du ventre » s’appelle en arabe, elle « Raqs al sharqi » c’est à dire la danse de l’Orient. C’est une danse qui se pratiquait, dans cette forme, plus au Moyen-Orient, Liban, Turquie.
Au Maghreb elle s’est surtout implantée en Égypte, avant de se répandre peu à peu, d’abord sous l’occupation turque (mais celle-ci n’est jamais allée jusqu'au Maroc), et ensuite grâce au cinéma égyptien.
Le nom même donné aux danseuses orientales en égyptien « ghaziya » prouve cette origine étrangère. Les Ghawazi, ce sont les nomades gitans, les tziganes, qu’on appelle en turc cingene. Ils ont aussi donné leur nom à ces danseuses, « cengi » en turc. Plus encore, en égyptien, le ghawazi, c’est tout simplement l’étranger, celui qu’on contient à l’extérieur de la ville, en dehors de la société, pour ne pas être envahi.
Cette forme particulière de danse, avec les voiles transparents, les sequins, le petit haut très court et très ajusté qui révèle un ventre et surtout un nombril nu, cette forme là s’est arrêtée avant le Maroc, et n’y est entrée qu’avec des spectacles qui n’ont rien d’authentiques.

Il y a des danses traditionnelles proches de la danse orientale au Maroc
Et en citant une participante d’un forum, qui a tout résumé :
C’est différent dans la mesure où les percussions dans le rythme sont plus accentués donc forcément il faut accentuer aussi le mouvement des fesses. Il y a certains gestes que tu peux faire par exemple le mouvement de la tête gauche-droite et le jeu de main, le mouvement des épaules gauche-droite.
Il y a quelques similitudes avec la danse orientale mais il ne faut pas confondre les styles
Les danses traditionnelles berbères partagent avec la danse orientale des types de mouvement, comme par exemple le jeu des hanches, faire bouger le bas et le haut du corps indépendamment, ce mouvement en « huit » des hanches, mais l’analogie s’arrête là.
Dans les danses berbères traditionnelles, chleuhs et amazighs, la femme est habillée entièrement, ne porte pas de voile particulièrement long (et même pas de voile, en général, seulement une coiffure de tête).
Le mouvement de danse est souligné sous les fesses, par un foulard ou une guirlande nouée au dessous des hanches pour la danse.
Et surtout – d’où sa pudeur – la danse se pratique surtout en groupe. Ahidous et ahwach sont des danses où les hommes et les femmes dansent ensemble, ou face à face. Il n’y a pas « une femme » pour séduire un parterre d’hommes, mais un rituel collectif, un jeu d’un groupe avec/contre un autre.
La musique aussi est totalement différente, on est loin des tonalités langoureuses de la musique arabo-andalouse, les rythmes berbères sont beaucoup plus lancinants, répétitifs, la musique n’est pas une mélodie, mais un rythme qui soutient des chants « a capella ». Car les danses berbères sont chantées, et les paroles apportent beaucoup au spectacle.
La guedra, dans le sud
Bien que très différente, la guedra ( الكدرة ) est sans doute ce qui se rapproche le plus de la danse orientale par sa sensualité : une chanteuse-danseuse, assise, au milieu d’un cercle, sous la tente, et dont le haut du corps danse.
Peu à peu, il peut même arriver qu’elle se dévête partiellement. Mais uniquement dans l’intimité de la tente.
Il y a cheikha et cheikha
Les cheikhate sont des chanteuses et danseuses marocaines qui se produisent dans les mariages, les festivals, les fêtes privées, qui chantent et qui dansent. A la différence de l’ahidous ou des autres danses traditionnelles, elles sont entre femmes sur scène, la présence des hommes est limitée à l’orchestre qui les accompagnent.
Elles ont une réputation sulfureuse au Maroc, parce que ce sont des femmes libres, qui s’affichent sur scène, qui côtoient des hommes, donc ce ne peuvent être que des prostituées. En réalité, certaines d’entre elles le sont certainement, mais pas toutes. La cheikha est un domaine où la schizophrénie marocaine est reine, avec des spectateurs et spectatrices qui adorent ces femmes mais n’en voudraient pas dans la famille…
En tout cas, en dehors de cérémonies très privées, les cheikhate dansent vêtues de la tête aux pieds, sans être voilées mais souvent avec une coiffure amazigh, et sans autres mouvements que ceux qu’on voit lors de l’ahidous.
Les cheikhate sont des chanteuses, accessoirement des danseuses. Dans ce cas, leur danse est marocaine, pas orientale.
La danse à Mezgarne
Nous pouvons vous proposer à Mezgarne ce qui est réellement de la région :
- un groupe de gnaouas natifs de Tazzarine, dont les tambours n »ont pas encore rencontré les rythme « world » et « fusion » qui se pratiquent maintenant à Essaouira ,
- un groupe mixte qui vous jouera un ahidous, six hommes et six femmes, et vous pourrez vous intégrer à la ligne de danse,
- des chanteurs berbères, avec guitare ou flûte.
Pour en savoir plus
Quelques liens, des livres et des vidéos pour voir la vraie danse traditionnelle du sud du Maroc.
- Un portail francophone sur la danse orientale, avec justement un espace pour « les autres danses » : Irida
- Une musicienne, Hossam Ramzy
Des livres :
- Danses du Maghreb de Viviane Lièvre, avec la collaboration de Jean-Yves Loude : principales danses de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie et des instruments qui les accompagnent. Place de la danse dans la culture maghrébine et de la danse d’Afrique du Nord en France.
- Chants et danses de l’Atlas (avec un CD) cheikates de Myriam Rovsing-Olsen : art qui associe le chant à la poésie et à la danse, et s’inscrit dans le cycle agricole et l’existence même des Berbères de la montagne.
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4 commentaires
Suite à une émission sur TV5 Monde du 05/05/20013 à 20 h 45, j’ai découvert cette fête du Moussem.
J’aurai aimé connaître les dates du Moussem et dans quelle région marocaine se déroule telle cette fête, d’avance merci.
Salutations distinguées.
« Le » Moussem n’est pas une fête, c’est le nom marocain pour un type de fête. Il y a en beaucoup dans tout le Maroc, à des dates différentes. Vous trouverez plus de détails sur cette page http://www.mezgarne.com/maroc/moussem.php
Merci pour les corrections.
Pour la danse des Cheikhates, je n’ai jamais vu. Existe-t-elle dans tout le Maroc ?
Et pour le film, j’irai le voir avec plaisir.
Merci pour le commentaire et vous pourriez être beaucoup plus long avec beaucoup de plaisir ;)
Texte très instructif. je me permets d’ajouter quelques compléments et quelques petites corrections.
1- Vous avez dit: « Et le Maroc, qui s’appelle en arabe Machrek, c’est à dire “le plus loin au couchant”, n’est pas oriental, mais occidental. » Le Maroc se dit en arabe Al-Maghrib qui veut dire le (soleil)couchant par rapport au Machrek qui veut dire le (soleil) levant.
2- La danse orientale existe au Maroc mais sous une autre forme, celle de la danse des Cheikhates par exemple, en plus pudique.
3- en complément d’infos, il y a un film maroco-français de Nabil Ayouch, « Watever Lola Wants » (sortie en avril) dont le thème quasi-exclusif est la danse orientale.
Désolé d’être long ;-)