Le respect (احترام en arabe) est sans doute l’élément le plus important dans les relations humaines au Maroc. Cela va beaucoup plus loin qu’éviter de perdre la face. Respect des parents, de la famille, de la communauté, respect de ses collaborateurs, de son patron, des aînés… et respect de soi-même.
S’il y a des signaux inquiétants dans les relations entre un Marocain et une étrangère, entre une Marocaine et un étranger, le point le plus grave (ou à l’inverse celui qui peut vraiment rassurer) est le manque de respect.
Mais voilà… ce manque de respect ne se manifeste pas toujours d’une façon que nous pouvons facilement déceler. Notre culture occidentale peut nous empêcher de remarquer des signaux, des manques de respect qu’un(e) Marocain(e) lui notera immédiatement.
Le respect « par proximité »
Dans un pays où la communauté, la famille sont tellement importantes, l’atteinte à l’honneur d’une personne rejaillit sur toute la famille.
Ce que votre partenaire peut parfaitement comprendre et accepter dans votre comportement est une chose. Mais quand c’est public, il faut alors que la communauté et la famille l’acceptent.
On revient sur cette notion de privé et de public qui est aussi si essentielle et que certains confondent avec de l’hypocrisie.
Et cela joue différemment quand l’étranger est une étrangère. Car au Maroc, la femme est intégrée à la famille du mari, elle « abandonne » sa famille d’une certaine façon. Pas au plan affectif, mais la responsabilité au sens large est transférée au mari, qui est devenu son mahram. On passera beaucoup plus à un homme, dans ce monde très macho – osons le dire.
Voici donc une liste des comportements à éviter si on veut respecter les codes de la société marocaine.
Ne pas être discrète sur les réseaux sociaux
Regardez les comptes de Marocaines : on y trouve très rarement des photos « de couple » où un homme et une femme se tiennent mutuellement dans les bras, font un selfie en s’embrassant, etc. Ou alors elles sont réservées à un profil privé « pour les copines ».
Au Maroc, on ne se tient pas enlacé dans la rue, on ne s’embrasse pas en public. Pareil sur internet. Si ces photos sont publiques, elles peuvent toujours être détournées, tomber sous l’œil de la tante ou de la grand-mère un peu prude, ou de la voisine mauvaise langue.
Ne vous offusquez pas, donc, s’il vous demande de ne pas partager ces photos. Il n’est pas jaloux ou rétrograde. Il sait juste le mal que cela peut faire et ce que certains penseront de vous. Et non, dans ce pays communautaire et familial, l’opinion des autres n’est pas négligeable.
Continuer à échanger avec des hommes célibataires
Vous avez eu une vie avant de le rencontrer, il le sait, ce n’est pas un problème. Personne ne veut savoir ce qui s’est passé avant. Vous arrivez vierge au mariage et tout le monde fait semblant de le croire. (Public, privé, toussa, toussa).
Mais l'amitié entre un homme et une femme n'existe pas au Maroc. La camaraderie, peut-être.
Un hadith affirme
Un homme ne se retrouve pas en tête – à- tête avec une femme sans que Satan ne soit le troisième
Une femme mariée arrêtera donc ses relations en ligne avec des hommes qui ne sont pas de sa famille.
Même dans la vie « réelle », il est rarissime de sortir autrement qu’à deux couples ou en groupe d’amis. Ou alors chacun de son côté, les hommes avec les hommes, les femmes entre elles. Et dans la vie professionnelle, on fonctionne comme dans les entreprises américaines qui cherchent à éviter les accusations de harcèlement : pas de tête-à-tête, ou alors derrière des cloisons vitrées, par exemple.
Quand je travaillais à domicile à Ouarzazate, mes clients ne passaient « au bureau » que si mon mari était là ou mon assistante, me recevaient dans des espaces non-fermés.
Ce n’était pas une question de jalousie, mais de respect pour moi et mon mari.
Être draguée par un autre homme quand on est en couple officiel
Or toute relation en « tête à tête » peut être interprétée comme une invitation.
Et ce sera toujours vu comme la faute de la femme, qui n’aura pas su se préserver.
Oui je sais. Mais vous avez épousé un Marocain. Vous n’êtes pas là pour changer la mentalité d’un pays entier.
Si cette situation se produit, votre mari DOIT réagir. S’il ne le fait pas, ce n’est pas parce qu’il vous fait confiance. C’est parce qu’il considère qu’on ne vous a pas manqué de respect, ni à lui, donc.
Et ceci doit être un signal d’alarme extrêmement fort.
Proposer de l’argent à son homme, en demander à sa femme
Un homme marocain qui se respecte subvient aux besoins de son foyer.
Oui, souvent, il y a une grosse différence de revenus. Mais ce n’est pas à la femme de prendre l’homme en charge. Surtout au début de la relation. Si vous venez en vacances au Maroc, payez pour vos dépenses, mais pas pour tout. S’il vous parle de problèmes, ne proposez pas de l’argent. S’il vous en demande, cela doit rester exceptionnel et sous forme de prêt. C’est le meilleur moyen d’éviter de transformer l’amour en une relation de dépendance ou, pire, en une relation où il se sent acheté.
Et si cette recommandation va bien sûr évoluer au cours du mariage, n’oubliez jamais que les patrimoines sont séparés, que la « caisse commune » n’est pas la norme au Maroc.
La présentation aux parents
Par respect, cette fois pour ses parents, un Marocain ne vous présentera pas à ces derniers tant que ses intentions ne sont pas sérieuses.
Vous pouvez être invité avant le mariage, mais normalement, vous ne dormirez pas ensemble. Si on vous laisse cohabiter au domicile des parents avant le mariage… autre signal d’alarme extrêmement fort.
Et la présentation à la famille lors du mariage
Les mariages marocains sont connus pour leur durée et le nombre d’invités.
C’est une cérémonie très codifiée et relativement coûteuse. Et loin des cérémonies « européennes au Maroc », qui ne sont que des réceptions après le mariage civil, qui mélange souvent les rituels marocains et étrangers…
Autrefois, encore aujourd’hui au bled, les mariages traditionnels permettaient à tout le village, la famille, la tribu, de savoir que cet homme et cette femme étaient mariés. Pas de publication de bans ni même d’état civil. Juste un mariage, au yeux de tous, vraiment tous.

C’était aussi sans doute la plus belle journée de la vie d’une femme, la seule où elle pourrait légitimement se montrer dans de superbes tenues en se faisant admirer de tous. Après ce mariage, elle entrerait dans une vie de discrétion, où seuls son mari et d’autres femmes verraient sa beauté.
Je connais des centaines d’étrangers et d’étrangères, à commencer par moi, qui ont voulu une petite cérémonie intime. Et des centaines de belle-familles qui n’ont pas accédé à leur vœux.
Pour la petite histoire, quand mon futur beau-frère a commencé à faire la liste d’invités pour notre cérémonie intime, il a compté en « familles », en dizaines de poulets, etc. Et c’était effectivement une toute petite fête, par rapport à celle qui a eu lieu plus tard, en mai, à Tazzarine, où environ 700 personnes ont été invitées !
Bien sûr, la cérémonie doit être adaptée aux moyens financiers des mariés. Mais « trop intime », ce n’est pas vraiment normal. C’est d’ailleurs un des critères pris en compte pour l’enregistrement du mariage à l’état-civil français : les familles des mariés étaient elles présentes ?
Alors si votre belle-famille accède un peu trop facilement à votre souhait d’une cérémonie intime, peut-être n’est-elle pas si fière de ce mariage.
Les gestes et les mots du respect
En famille, entre amis, le respect se marque de façon parfois déconcertante.
Par exemple, quand une personne qu’on respecte vous fait une remarque, il est hors de question de la regarder en face, il faut baisser les yeux. Ce qui, dans une culture occidentale, est au contraire jeter de l’huile sur le feu : quand une personne ne vous regarde pas en face lorsque vous lui parlez, vous avez l’impression qu’elle vous fuit, qu’elle attend que cela se passe. Au contraire, dans ce cas précis, regarder en face serait considéré comme une provocation.
On appellera une personne plus âgée « Hajj » ou « Hajja » (nom donné aux personnes ayant fait le pèlerinage à la Mecque) ou « Ami » (mon oncle) ou « Lalla Ami » (ma tante), ou « Sidi » (« seigneur »), « Lalla » (« princesse »).
Marquer son respect à quelqu’un, c’est aussi prendre le temps de lui parler, de s’enquérir non seulement de sa santé, mais aussi de celle de toute sa famille, de ses enfants, de son travail. C’est prendre le temps de négocier avec un marchand, même si vous savez parfaitement tous les deux à quel prix vous allez aboutir.
Dans un contexte professionnel, il faut faire attention à formuler d’éventuelles remarques en tête à tête. De façon claire mais très respectueuse, en reconnaissant les points positifs.
Baise-main ou poignée de main ?
Cela m’a frappée en cherchant une image (libre de droits) pour illustrer cet article. « La » photo qui symbolise le respect, c’est la (virile) poignée de main.

Alors que pour moi, manifestement marocanisée, c’est le baise-main, celui que font les enfants aux parents, les officiels au Roi dans la cérémonie d’allégeance ou toute personne à une autre, pour marquer justement ce respect.
Ce geste se retrouve d’ailleurs dans la « Mano » aux Philippines.

On retrouve, encore plus marquée, cette différence entre regarder quelqu’un dans les yeux ou les baisser…
Le manque de respect ultime ? L’humour et l’ironie
Si certains disent que l’humour c’est quand on se moque de soi et l’ironie quand on se moque des autres, dans les deux cas il faut bien reconnaître que les Marocains n’ont pas le sens de l’humour ni du second degré, ne se moquent ni d’eux-mêmes ni des autres. Et le prennent quasiment systématiquement pour une insulte.
D’ailleurs, soyons honnêtes, souvent cet humour n’est pas « bon enfant », mais dissimule de façon plus ou moins marquée une agressivité réelle.
Les Marocains savent faire des blagues à leur sujet. Elles prennent tout de suite une autre dimension quand elles sont dites par un étranger, encore plus par un Français, soupçonné a priori de néo-colonialisme et de racisme.
Si on ajoute à cela que l’humour est sans doute la chose la plus difficile à faire passer dans une langue étrangère, que les référents culturels ne sont pas les mêmes, on ne peut que vous recommander de vous en abstenir, ou alors, si vous le pratiquez à vos risques et périls, de le signaler de façon très claire.
Combien de fois sur ce blog n’ai-je pas dû faire face à des commentaires méchants ou injurieux ? A des gens qui, systématiquement, interprétaient de travers.. même une plaisanterie dite par mon mari Marocain et que je ne faisais que rapporter ?
Évitez aussi de vous moquer de vous-même, ils risqueraient de le prendre au premier degré.
Il y a des sujets sur lesquels on ne plaisante pas avec les Marocains : la religion, le Roi, le Sahara ; pour le reste, si vous voulez rire avec eux de leurs défauts, partagez les contenus nombreux faits par les humoristes marocains (en ce moment The Tberguig est revenue).
En savoir plus
- « Détends-toi, c’est juste pour rire » !
- Rire "de" ou rire "avec", une distinction difficile à faire, parfois, et pas seulement au Maroc.
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