Je choque toujours les gens quand je dis que le « détachement » n’est pas reconnu au Maroc. Effectivement, je devrais dire :
Le contrat de détachement d’un salarié n’est reconnu que dans le cadre de la convention de sécurité sociale entre la France et le Maroc et donc, uniquement pour les prestations sociales et la retraite.
Qu’est-ce qu’un contrat de détachement ?
Un contrat de détachement couvre donc d’autres aspects que la protection sociale :
- le droit du travail applicable
- la relation entre le salarié et l’entreprise qui le détache
- la fiscalité applicable
- dans le cas du Maroc, la législation sur le change, qui s’applique à tous les résidents, de façon différente pour les marocains et pour les étrangers.
Le contrat de détachement est limité à cinq ans en France. Au-delà, le salarié passe automatiquement sous le régime de l’expatriation et quitte le système français.
Il permet au salarié, via une attestation de détachement, de bénéficier de la sécurité sociale française et de se faire rembourser les soins reçus au Maroc.
En dehors de la convention de sécurité sociale, il n’y a aucune définition d’un salarié détaché dans la loi marocaine
Le détachement permettant de déroger à la loi nationale, à partir du moment où il n’est pas défini, le statut n’existe pas. La loi marocaine s’applique donc dans tous les domaines.
Dans le cadre du droit du travail, cela veut dire :
- pour les étrangers, un contrat de travail étranger, qui doit être visé par le Ministère du Travail à Rabat, à l’exception du contrat de travail du gérant de SARL d'AU,
- pour tous, l’application du droit du travail marocain, sauf à y déroger de façon positive pour le salarié, dans le contrat de travail – ce qui sera très souvent le cas pour une expatriation.
D’un point de vue fiscal, cela veut dire que l’imposition est due au Maroc, même si les salaires ont été payés en France par la maison mère.
D’un point de vue du contrôle des changes, cela veut dire que les « avoirs » à l’étranger doivent être déclarés par les résidents au Maroc, et que les revenus à l’étranger doivent être taxés au Maroc (et pas en France, en vertu de la convention fiscale entre la France et le Maroc)
L’imposition est due au Maroc
Dans le cas d’un détachement, les groupes refacturent aux filiales les frais de personnels.
Ces charges ne sont déductibles pour la filiale marocaine qu’à une condition : pouvoir prouver que le salaire correspondant a été déclaré au Maroc et que l’impôt sur le revenu a été payé.
Le précompte de 10% appliqué aux paiements de prestations de service à l’étranger concerne l‘impôt sur les sociétés, pas l’impôt sur le revenu. Il ne se substitue donc pas au paiement de l’impôt sur le revenu.
Comment sécuriser son détachement au Maroc ?
Comme il ne s’agit pas d’un détachement classique, vous devez signer un contrat de travail avec la société marocaine, condition sine qua non pour obtenir votre carte de résidence. Vous êtes donc soumis au droit du travail marocain avec ses avantages et ses inconvénients :
- même si cela ne vous concerne sans doute pas vraiment, 42 h / semaine au lieu de 35 en France, 38 en Belgique
- 18 jours de congés payés / an (durée qui augmente avec l’ancienneté) contre 30 jours en France, 27 en Belgique et en Suisse
- des jours fériés basés sur les fêtes religieuses et civiles marocaines, qui ne correspondent pas aux nôtres: si vous voulez rentrer fêter Noël en famille, ce sera des congés payés
- un régime de protection sociale moins favorable, avec des remboursements beaucoup moins élevés qu’en Europe, surtout pour un haut salaire (mais un délai de carence de deux jours au lieu de trois jours)
- des indemnités de licenciement plus faibles
- et surtout, une fiscalité sur les salaires extrêmement lourde.
Tout ceci peut bien sûr, se gérer contractuellement, comme les frais de scolarité des enfants, la prise en charge du déménagement, etc.
Je ne vais pas rentrer ici dans tout le détail de ce qu’il faut négocier dans son contrat de travail, mais me concentrer sur votre protection en tant que salarié détaché, donc a priori pour une période donnée, et comment assurer votre retour dans de bonnes conditions.
Avoir deux contrats : maison mère et contrat marocain
Il ne s’agit pas d’un véritable contrat de détachement, puisque vous serez payé par la filiale marocaine.
Cependant, avoir un contrat avec votre société d’origine vous permet de mettre en place la protection légale dont vous bénéficiez dans le cadre d’un contrat de détachement, en particulier :
- la réintégration en cas de retour, même après un licenciement par la filiale et quel qu’en soit le motif, avec la prise en compte des années à l’étranger pour les calculs d’ancienneté
- la prise en charge de l’ensemble des frais de retour, y compris les frais administratifs, liés à votre départ du Maroc, là encore quel qu’en soit le motif
- la prise en charge du traitement en France en cas de maladie grave ne pouvant pas être soignée sur place (à préciser, car cela peut impliquer un « abandon de poste » au Maroc, si vous devez faire de fréquents séjours)
- la détermination de la loi applicable en cas de conflit ; théoriquement la loi marocaine, cette clause implique qu’une décision de justice au Maroc ne peut pas être appliquée dans le pays d’origine si une des deux parties s’y oppose
Le cas particulier des couples non-mariés
Le Maroc ne reconnaît pas le PACS. Si vous êtes en couple sans avoir un acte de mariage, vous êtes a priori dans une situation illégale au Maroc, mais tout le monde s’en fout, tant que cela concerne des étrangers. Par contre, votre compagnon ou votre compagne ne pourra pas bénéficier d’une carte de séjour « famille », liée à la vôtre.
Il faut donc négocier avec votre entreprise qu’elle prenne en charge sa carte de séjour d’une autre façon. (Normalement, dans le cadre d’une expatriation, la société fait les démarches pour que toute la famille obtienne ses titres de séjour, sur la base du contrat de travail de l’expatrié).
Détachement au Maroc d’un Franco-Marocain
Ou d’un Belgo-Marocain, Suisso-Marocain, etc… d’un binational.
C’est souvent la très mauvaise surprise pour la personne qui découvre qu’au Maroc, elle est seulement marocaine et que cela a des conséquences beaucoup plus importantes qu’elle ne pourrait l’imaginer.
Par exemple, l’interdiction de vivre en couple non marié s’applique.
Les conventions de sécurité sociale ne s’appliquent pas, les bi-nationaux en sont spécifiquement exclus. Vous ne pourrez donc théoriquement pas bénéficier de l’attestation de détachement ; même si vous en bénéficiez, vous devrez passer par la case C.F.E.
En revanche, l’interdiction faite à tout Marocain de disposer d’avoirs à l’étranger sans une autorisation expresse de l'Office des Changes s’applique (et elle relève du pénal).
Néanmoins, il y a une dérogation importante : le MRE qui rentre définitivement (c’est à dire qui redevient résident marocain, au lieu de simplement revenir pour des vacances) peut conserver la totalité de ses avoirs à l’étranger, sous réserve :
- de les déclarer à l’administration dans l’année qui suit son retour
- de, bien entendu, déclarer au Maroc les revenus qu’il en tire (les éventuels impôts payés en France seront déduits, en application de la convention fiscale entre les deux pays (qui existe aussi pour la Suisse et la Belgique).
Par contre, il ne pourra pas, à partir du Maroc, acheter de nouveaux biens à l’étranger sans autorisation de l’Office des Changes.
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