Si vous vous êtes demandé quel était le programme du gala d’ouverture de l’Opéra Royal du Maroc, vous étiez resté sur votre faim. Pas de programme, une simple liste d’artistes et une promesse :
de l’opéra et des surprises
Des surprises il y en a eu, tout au long de cette représentation pas comme les autres à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister.
Avez-vous déjà vu un chanteur d’opéra en djellaba ? Accompagné non seulement au piano, mais à la darbouka ?
Les tenants de la tradition, ceux qui réservent leurs place à Bayreuth dix ans à l’avance se seraient sans doute évanouis d’horreur, mais moi ça m’a beaucoup plu ! Et à la salle aussi.
« Opéra marocain » ? Pari gagné
La première marocanisation était finalement assez soft. Le récital a commencé avec « Mon coeur s’ouvre à ta voix », « le » grand air de Samson et Dalila. Ahlima Mhamdi entre en caftan, ce qui pourrait presque être un costume historique de l’époque. Et puis dans les récitals, on chante en tenue de soirée… donc ça ne (me) surprend pas vraiment.
Voir David Serero entrer sur scène en djellaba, c’est déjà un peu plus surprenant. Ce qui est vraiment surprenant, c’est de voir un joueur de darbouka s’asseoir à côté de Rodolphe Lospied, le pianiste, pour accompagner notre chanteur sur un air de Carmen… et que la darbouka soit parfaitement intégrée dans la musique, comme si Bizet l’avait intégrée à sa partition dès le début.
Plus que surprenant… scotchant !
« Opéra populaire » ? Pari gagné
Il n’y avait pas que des mélomanes connaissant leurs opéras par coeur dans la salle.
Avant chaque morceau, David Serero explique brièvement l’histoire, souligne même la signification de la musique (par exemple avec l’intention moqueuse de l’air « Non più andrai« , avant de le mimer, au lieu de rester bien droit face à son micro.
Quand il joue Don Giovanni, ses mimiques de vilain affreux, dans le dos de Zerlina, quand il chante « La Ci Darem La Mano« , son petit sourire satanique quand il part finalement avec elle (alors qu’elle est mariée à un autre), c’est parfait pour souligner l’histoire et montrer en quelques instants le caractère de Dom Juan.
Toute la représentation est émaillée de moments de complicité avec le public, comme lorsqu’il les fait participer au fameux « Toréador prend garde » :
Comme David Serero le disait, faire aimer l’opéra, « il sait faire » et il l’a prouvé hier soir, devant une salle comble.
« Opéra de qualité » ? Pari gagné
Si on ne s’en rend pas compte avec la mauvaise qualité des vidéos prises « à la volée » avec mon smartphone, ce qui essentiel, c’est la qualité.
Les quatre solistes sont des chanteurs remarquables. Si j’ai une petite préférence pour les voix graves comme celles de David Serero, j’ai frémi de bonheur avec la voix puissante et chaude de Victor Dahhani (à laquelle ses quelques vidéos sur Youtube ne rendent pas justice, je trouve). Par goût personnel, j’ai moins accroché à l’extrait de Dalila, tout en reconnaissant le savoir-faire et la qualité de la voix d’Ahlima Mhamdi. Et elle et Audelia Zagury ont parfaitement chanté et joué Carmen et Zerlina.
Un plaisir partagé avec beaucoup de générosité
Quand David Serero est sur scène, il est visible qu’il s’amuse, qu’il prend un énorme plaisir à être là et il partage ce plaisir.
Avec le public, d’abord, ce qui fait une partie de la qualité de son spectacle.
Et avec les artistes. Il a invité sur scène deux chœurs d’artistes amateurs, celui du Théâtre des Arts Vivants, rejoint ensuite par celui du Conservatoire de Musique de Casablanca. Bien sûr, pas des débutants, même si la petite fille de huit ans ne doit pas avoir dix ans de musique derrière elle. Je suis sûre qu’elle s’en souviendra longtemps !
Bref, j’attends la prochaine représentation avec impatience !
La suite ?
David Serero a annoncé plusieurs choses hier soir :
- l’ouverture d’une classe d’opéra au Conservatoire de Casablanca
- l’ouverture d’une classe de chef de chant au même Conservatoire, un métier très particulier pour le pianiste qui accompagne les chanteurs
- la création de son opéra en darija sur La Marche Verte
- la représentation de Carmen et d’Othello en version marocain
En savoir plus
- Opéra Royal du Maroc - Gala d'ouverture du 30.11.2022
- Une vidéo qui donne une bonne vision de atmosphere de ce grand concert ! >
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