Tout savoir sur l’Aïd el Kebir

Aïd el Kebir ( العيد الكبير ) est composé de deux mots arabes, Aïd pour fête, et kebir qui veut dire grand. C'est donc "la grande fête". C'est effectivement la fête la plus importante pour les musulmans ; d'ailleurs on dit souvent, tout simplement "l'Aïd".  Tout s'arrête, tout le monde se réunit et personne ne travaille.

Il n'y a aucune différence, c'est la même fête sous deux noms différents. Aïd Al Adha ( عيد الأضحى ) veut dire la "fête du sacrifice", en faisant référence au mouton qui est sacrifié ce jour-là et au mouton qu'Ibrahim/Abraham a sacrifié à la place de ѕоn fils. Aïd Al Adha est d'ailleurs le nom "officiel" de cette fête.

Ce sont deux fêtes différentes. L'Aïd El Fitr ( عيد الفطر ), fête de la rupture, qu'on appelle aussi Aïd El Seghir, la petite fête ( عيد الصغير ) a lieu à la fin de Ramadan. L'Aïd El Kebir a lieu soixante-dix jours plus tard.

Au Maroc, les berbèrophones parlent de Tafaska (ⵜⴰⴼⴰⵙⴽⴰ) (et d'anougoud n’tfaska, le mouton du sacrifice ). En Iran, en Turquie, dans les Balkans, on a différents noms autour de la racine 'Kurban', qui veut dire sacrifice. Les Africains роurrоnt parler de Tabaski ou Tobaski... bref, chaque pays peut utiliser des mots de sa propre langue faisant référence au sacrifice. 

En français, on parle souvent de la "fête du mouton", bien que la pauvre bête, justement, ne soit pas à la fête ce jour là. 

Enfin, dans certains pays, on parle de la "fête salée", par opposition à l'Aïd el Fitr, la "fête sucrée" où on consomme beaucoup de bonbons.

Aïd el Kebir est relativement facile à prononcer : "comme ça s'écrit", et vous pouvez écouter la prononciation ici. Par contre, le "d" de Aïd Al Adha est suivi d'un "h", et il faut marquer la coupure entre les deux (à écouter ici).

Ce n'est pas aussi compliqué que le dal, cette lettre "inprononçable" qui caractérise l'arabe, mais cela reste un peu compliqué.

Le sacrifice du mouton de l'Aïd a plusieurs sens. D'abord, il commémore ce moment très important pour toutes les religions du Livre où Dieu empêche Abraham de lui sacrifier son fils et substitue un bélier, pour que le sacrifice soit fait. C'est à la fois l'interdiction définitive des sacrifices humains et la reconnaissance de la foi et de l'obéissance d'Abraham. Les trois religions ont des interprétations légèrement différentes de ce récit, qui reste fondamental.

Le sacrifice d'un mouton mâle est dans la tradition des animaux qui étaient sacrifiés au Temple, et c'est un sacrifice normal pour un peuple de pasteurs. Aujourd'hui encore, à n'importe quelle occasion, on peut sacrifier un mouton pour honorer un invité.

Mais le mouton de l'Aïd est un animal qui symbolise aussi la charité : sa viande doit être distribuée à tous, il ne faut pas de laissés pour compte. Là encore, dans des pays où on pouvait souvent avoir faim, le ventre plein de l'Aïd est un moment de partage qui soude la communauté.

Non. Le sacrifice du mouton est ce qu'on appelle une "sunna" en Islam, une chose très fortement recommandée, mais qui n'est pas obligatoire, comme le jeûne de Ramadan ou les cinq prières par jour. C'est même moins important que le pèlerinage, qui est "obligatoire quand on peut le faire".

Pourtant, socialement, c'est considéré comme une obligation, en particulier au Maroc. C'est une telle honte de ne pas arriver à acheter son mouton qu'il est arrivé qu'un militaire se suicide à cause de cela.

Théoriquement, chaque chef de famille doit sacrifier un mouton pour lui et sa famille. En pratique, très souvent, ce sont des bouchers qui passent de famille en famille et font le sacrifice, dans les règles (il faut, en particulier, éviter de faire souffrir l'animal).

Le père de famille participe au sacrifice, en tenant le mouton ou en mettant la main sur le couteau.

Même le roi du Maroc fait le sacrifice, entouré de personnes qu'il honore ainsi, et qui vont tenir le mouton, accompagner le geste...

Quand le sacrificateur est dans un abattoir, à chaque mouton, il va dire le nom de la personne pour laquelle le mouton est égorgé.

Au Maroc (pays malékite) , on considère que la famille sont toutes les personnes apparentées qui vivent dans la même maison que celui qui fait le sacrifice. Cela veut dire, par exemple, que le couple de gardiens d'une propriété doit avoir son propre mouton. 

Par contre, rien n'empêche de leur donner de l'argent pour qu'ils achètent leur propre mouton !

Oui, si le père n'est plus là, une femme peut (doit) acheter un mouton et faire le sacrifice. En général ces femmes se font aider, mais absolument rien ne les empêche de faire le sacrifice elles-mêmes. Cela rajoute juste une charge supplémentaire sur leurs épaules, alors qu'elles vont ensuite être très occupées par la cuisine ....

On vous a parlé des différentes races de mouton et des critères de choix des Marocains. En plus des critères esthétiques et gustatifs, il y a aussi des critères imposés par la religion pour que le sacrifice soit valide :

• un mouton mâle
• il doit avoir un аn
• il ne doit pas avoir la queue coupée ni être borgne, ni boîter

Si le mouton est symbolique de l'Aïd et fait directement référence au mouton envoyé par Dieu à Ibrahim, on peut tout à fait sacrifier un autre animal, en fonction de ce qui est disponible localement.

En particulier, au Maroc, on va souvent sacrifier un bouc quand on est diabétique, sa viande étant moins grasse que celle du mouton. Et on peut aussi sacrifier de gros animaux, comme des boeufs ou des dromadaires (et dans ce cas, on a le droit de se grouper à plusieurs, pour répartir le coût).

"Ça se discute", car le rituel parle spécifiquement du sacrifice. Néanmoins, comme rien n'oblige un musulman à manger la viande du mouton, il est admis qu'il peut "partager la totalité de son mouton" avec les pauvres, autrement dit donner de l'argent à une association au lieu d'acheter lui-même un mouton.

Le sacrifice doit avoir lieu le jour même de l'Aïd, mais après la grande prière du matin, qui regroupe tout le monde à la mosquée et avant le soir du troisième jour. Cependant, rien n'empêche de récupérer son mouton le lendemain, quand on ne fait pas le sacrifice soi-même.

L'animal doit être tué très rapidement, sans souffrance, en tranchant la carotide sans couper totalement la tête. Il ne doit pas voir le couteau (pour ne pas avoir peur, une prescription de bon sens que tous les éleveurs essayent de respecter). La personne qui tue l'animal doit s'orienter par rapport à la Mecque et dire "Bismillah Allah Akbar" (Par la grâce de Dieu, Dieu est grand).

Au Maroc, comme dans tous les pays musulmans, on fait le sacrifice chez soi. Les maisons marocaines sont équipées d'un gros crochet sur la terrasse, qui permet de suspendre la carcasse du mouton pour la dépecer et la travailler.

Dans la plupart des pays occidentaux, il est interdit désormais d'abattre un animal chez soi, cela se fait donc dans des abattoirs, selon le rite musulman. (La question de l'électro-narcose avant l'abattage est un grand débat ; par respect des croyances religieuses, il est souvent permis de s'en passer).

A la Mecque, l'Aid Al Adha termine le pèlerinage, après le rituel de la lapidation à Mina (qui rappelle Abraham chassant à coup de pierres le démon venu le tenter en lui disant de ne pas sacrifier son fils). Étant donné le nombre de pèlerins, là aussi les moutons sont sacrifiés dans des abattoirs et distribués aux pèlerins.

La viande du mouton a une signification particulière. On dit souvent qu'elle apporte la baraka. En tout cas, tout le monde doit participer à la fête. Aussi il est d'usage de la partager en trois : un tiers pour la famille, un tiers à conserver (qu'on partage souvent avec les proches, amis, famille élargie) et un tiers pour les pauvres.

Entre 1.600 et 2.000 dirhams (160 à 200 €).

Le prix du mouton dépend bien sûr du pays, mais aussi des conditions météorologiques, de la période de l'année (puisque le mouton doit avoir au moins un an, si l'Aïd a lieu à un moment éloigné de la période habituelle d'agnellage, les éleveurs devront conserver les bêtes plus longtemps) et de ses qualités individuelles.

Au Maroc, la période du Covid a fait beaucoup de mal aux éleveurs, les étés très chauds et les problèmes d'irrigation n'arrangent rien. Aussi, pour éviter que les prix du mouton flambent, le Maroc a importé en 2023 de nombreux moutons, pour pouvoir répondre à la demande sans que les prix explosent.

Mais il ne faut pas oublier que 2.000 dirhams, c'est presque un SMIG!

Non, il ne faut pas s'endetter. Le mouton n'est pas une obligation, en particulier si on n'a pas les moyens.

Chaque année, on voit fleurir des offres de crédit à la consommation, pour pouvoir acheter le mouton. C'est doublement interdit, puisque ces crédits sont assortis d'un taux d'intérêt, interdit en Islam ("riba" ou "usure").

La date du prochain Aïd El Kebir sera le lundi 17 juin 2024.

L'Aïd el Kebir est une fête déterminée par le calendrier musulman, elle a lieu les 10 et 11 Dhu al-Hijjah, qui est le second mois après celui de Ramadan, durant lequel se déroule le pèlerinage à la Mecque.

Mais le calendrier musulman, ou hijri, est complètement lunaire, sans соrrесtіоn par rapport au soleil, comme cela se passe, par exemple, pour le calendrier juif. Donc la date se décale chaque année d'une dizaine de jours, en 2023 c'est la dernière fois avant 2050 que l'Aïd el Kebir aura lieu pendant les grandes vacances.

La fête dure deux jours dans le calendrier muѕulmаn.

Au Maroc, il y a trois jours fériés pour l'Aïd, mais cela concerne surtout les grosses entreprises, les banques, les administrations. Les commerces comme les supermarchés rouvrent généralement le second jour. Mais beaucoup de petits commerces restent fermés parce que les gens quittent les grandes villes pour aller fêter l'Aïd en famille.

Dans la plupart des pays occidentaux, on peut prendre un jour de congé pour l'Aïd. En France, par exemple, on ne peut pas vous le refuser, ni vous obliger à passer un examen ce jour-là.

Le premier jour de l'Aïd commence par la grande prière du matin, qui débute vers 8h30 - 9h. Ensuite on fait le sacrifice du mouton et on visite les voisins. Une fois le mouton tué, les femmes s'occupent tout de suite des abats, pour éviter qu'ils s'abîment, puis préparent la viande.

En général, à midi, on mange un tajine et une salade.

La journée se passe à se rendre visite et le soir, on mange en famille les fameuses boulfafs (brochettes de foie de mouton grillées à la graisse, assaisonnées de sel et de cumin). C'est le lendemain qu'on commencera à déguster le mouton proprement dit.

La cuisine de l'Aïd est assez simple, car les femmes sont trop occupées à préparer la viande pour faire des plats complexes. Au Maroc, les deux plats traditionnels de l'Aïd el Kebir sont :

• les boulfafs (بولفاف ), brochettes de foie, le premier soir, grillées sur le kanoun (brasero), entrelacées de petits morceaux de crépine et assaisonnées avec du sel et du cumin ;
• le gueddid (قديد), qui est de la viande de mouton épicée avec de l'aïl, de la coriandre, du cumin et du poivre, et séchée ; elle permet de conserver la viande plusieurs mois ; on le consommera en tajine, en le faisant dessaler, ou en petits morceaux avec des oeufs, comme le khili.

On commence à se souhaiter l'Aïd après la prière du matin, qui débute officiellement la fête.

Au Maroc, vous entendrez trois formules légèrement différentes :

• Aïd Moubarak Saïd, abrégé souvent en Aïd Moubarak
• qu'on peut aussi dire Mabrouk el Aïd
• Bsaha Aïdek, enfin une dernière formule, en darija, qui se traduirait en mot à mot en "un bon Aïd pour toi"

Moubarak ( مبارك ), Mabrouk en darija est un souhait qui veut dire "que cela soit bon pour vous". Saïd veut dire heureux : on se souhaite donc un Aïd heureux et bon, au sens de profitable, plus que "bonne journée".

Saha, Bsaha est un souhait de bonne santé, de quelque chose qui va vous faire du bien.

On a l'habitude d'offrir aux enfants des habits neufs pour qu'ils puissent célébrer la fête, aussi aux adultes. Mettre de beaux habits, si possible neufs est en effet une des recommandations.

Les enfants peuvent aussi recevoir des jouets, ou de petits sommes d'argent, les femmes recevront un parfum, un bijou parfois.