Le tweet disparu de Saad El Otamni sur la variole du singe était très problématique. Car il stigmatisait la variole du singe comme une maladie « homosexuelle », ce qu’elle n’est pas du tout.
Et ce qu’Otmani, en tant que médecin, aurait dû savoir.
Même si la très grande majorité des premiers patients traités en hôpital a pu être des hommes homosexuels, c’est lié à un mode de comportement et la maladie va très rapidement se répandre à l’extérieur de la communauté gay.
Au Maroc, dire qu’une maladie est liée à l’homosexualité, c’est condamner le patient à la honte publique… et donc le pousser à dissimuler son cas, d’autant plus qu’aujourd’hui, la maladie est considérée comme bénigne dans la plupart des cas.
Un Tweet contesté et retiré
Tout a donc commencé par un tweet en arabe, où Otmani reprend et commente un tweet de CNews au sujet d’une étude sur la transmission de la variole du singe.

N’étant pas arabophone, je m’étais basée sur la traduction de Twitter, qui ne m’avait pas choquée.
MAIS Twitter, contrairement à Facebook, n’avait traduit que le premier paragraphe, pas le second. La totalité du tweet disait donc que :
La grande majorité des personnes infectées sont des hommes homosexuels […]
la leçon tirée est que sortir de la Fitrah (la nature originelle de l’être humain selon l’islam) est un danger pour l’homme, sa santé, sa vie et même son existence
CNews et son éthique journalistique
Déjà c’est CNews… une des chaînes de Bolloré, bien connue pour son impartialité, son absence totale de recherche du sensationnalisme, une chaîne qui eu comme chroniqueur Eric Zemmour dans une émission dont l’animatrice a depuis expliqué que c’était Dieu qui parlait à travers elle !
Mais pas d’amalgame © l’étude citée est peut-être sérieuse. L’article dont vous trouverez le lien en bas est d’ailleurs beaucoup plus nuancé que le tweet, avec le « confirme » …. et l’affirmation non sourcée que c’est « la plus vaste étude ».
L’étude sur la transmission du monkeypox : ce qu’elle dit et ce qui manque
La taille de l’échantillon : 528 infections sur les mois de mai et juin, répartis sur 16 pays. Ce n’est vraiment pas beaucoup pour faire un échantillon « représentatif ». A l’époque 3.000 infections avaient été signalées, aujourd’hui il y en a plus de 5.000 dans un seul pays comme l’Espagne.
Donc il aurait été plus exact de dire
dans 16% des cas d’infection reportés on sait que le malade était un homme homosexuel ou bisexuel. Pour les autres on ne sait pas.
(Simples mathématiques : 528*98%/3.000 pour rapporter le nombre de 528 à la totalité des infections).
Or cette population est particulièrement attentive à sa santé. 41% d’entre eux avaient déjà le SIDA. Pour les autres, cela reste un risque. On fait beaucoup beaucoup plus attention à des trucs bizarres, on se précipite à l’hôpital quand on a des boutons et qu’on est déjà sous tri-thérapie.
Alors même que l’étude affirme que
Il convient de souligner plusieurs limites de notre étude. Notre série de cas est une série de cas observationnelle de convenance dans laquelle l’infection a été confirmée par diverses plateformes PCR (approuvées localement). Les personnes de cette série de cas présentaient des symptômes qui les ont amenées à consulter un médecin, ce qui implique que des personnes asymptomatiques, présentant des symptômes plus légers ou paucisymptomatiques ont pu passer inaperçues.
Les liens établis entre les personnes recevant une prophylaxie pré-exposition au VIH et les cliniques de santé sexuelle, ainsi qu’entre les personnes vivant avec le VIH et les cliniques spécialisées dans le VIH, auraient pu entraîner un biais d’orientation, compte tenu notamment du potentiel de recherche précoce de soins dans ces groupes. Une propagation à d’autres populations est prévue, et la vigilance est de mise. Les symptômes ont été enregistrés à partir du moment de la présentation, et il est donc possible que les symptômes précoces aient été sous-déclarés, ce qui limite les informations sur la période d’incubation.Monkeypox Virus Infection in Humans across 16 Countries
Le mode de vie marocain : Monkeypox fait la fête
Comme d’autres maladies du même genre de la famille des « pox » (varicelle ou chicken pox, variole ou smallpox, cow pox, etc.) la variole du singe se transmet par contact, de peau lésée à peau lésée, ou par des fluides (salives, postillons, etc).
Une relation sexuelle est donc une occasion de transmission, mais cela peut survenir dans beaucoup d’autres situations, et le mode de vie traditionnel marocain ouvre plein d’autres possibilité à notre petit « pox ».
Avez-vous déjà été invité dans une famille marocaine à partager le couscous ou le tagine ?
Si c’est le cas, vous avez certainement eu droit au passage du lave-mains, pseudo-mesure d’hygiène, où tout le monde se partage la même serviette pour s’essuyer les mains ?
Vous avez déjà vu une famille entière se partager le même verre ?
A ce propos, une de mes belles-sœurs avait un superbe herpès labial. J’ai dû passer par mon mari pour lui expliquer ce que c’était, qu’elle devrait soigner les boutons avec une crème quand ils apparaissaient et éviter de partager le verre commun. Sa dernière fille n’a donc pas hérité (tout de suite) de l’herpès de sa mère.
Avez-vous vu aussi comment on se salue, en se baisant les mains ?
Faut-il rappeler ce qui a déjà été expliqué au temps du coronavirus ? Les Marocains se collent les uns aux autres ce qui facilite la contamination (puisque la variole du singe peut aussi vous infecter « sans contact », par des postillons).
Donc la variole du singe va inévitablement se répandre au Maroc. Et la sortie d’Otmani va y aider, car elle a déjà convaincu beaucoup de gens que c’est une maladie d’homosexuels, donc honteuse. De la part d’un ancien médecin, d’un homme d’état qui a été confronté au coronavirus, c’est cela qui est honteux !
Plus d'informations sur la variole du singe et sa prévention
- Monkeypox Virus Infection in Humans across 16 Countries — April–June 2022 | NEJM
- L'étude originale sur la transmission de la variole du singe, "The current global outbreak of monkeypox virus infection in humans suggests changes in biologic aspects of the virus, changes in human behavior, or both" et "Phylogenetic analyses suggest that the virus has circulated undetected for some time outside areas where it has been endemic, possibly masquerading as other sexually transmitted infections (STIs)."
- Variole du singe : la plupart des cas transmis lors de relations sexuelles, selon une étude
- L'article de CNews, beaucoup plus nuancé que son tweet putaclic, et encore plus, bien sûr que celui d'El Otmani >
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