Quand je suis arrivée au Maroc, il y a maintenant vingt ans, un mouton coûtait entre 2.500 et 3.000 dirhams pour les plus beaux, on trouvait des bêtes à partir de 1.200 dirhams.
Un peu plus d’un mois de SMIG. C’était déjà un budget important. Ma belle-famille, par exemple, sacrifiait quatre moutons qui suivaient le sacrifice d’une vache pour Arafat. Une famille nombreuse du sud du Maroc, pas riche (euphémisme). Ma belle-mère élevait les moutons, ce qui en diminuait le coût, mais cela restait un effort. Globalement, l’Aïd c’est plus de 15 milliards de dirhams.
En vingt ans, le prix du mouton a plus que doublé
Les prix ont augmenté, jusqu’à la crise du Covid, où ils ont explosé.
Cette année, en juin 2024, le prix d’un mouton est autour de 6.500 dirhams. Deux SMIG. Plus de 100% d’augmentation. 117% exactement.
Et sur la même période de 20 ans, l’inflation a été de 45%. (Sources Banque Mondiale et Bank Al Maghrib).
Certes, l’inflation est en partie contenue par l’encadrement des prix et la Caisse de Compensation, qui disparaissent peu à peu.
La « prime de mouton » qui ne suit pas. Et le poids du mouton dans les dépenses des ménages modestes est quasiment insupportable.
S’ils étaient 8% à ne pas avoir sacrifié de mouton en 2019-2020, ils sont certainement plus nombreux encore à s’en priver cette année.
L’augmentation récente du prix du mouton s’explique par la sécheresse, par les problèmes qu’a connu la filière agricole après le Covid et donc, le prix de l’aliment du bétail. Mais honnêtement, cela n’explique pas tout.
Un rituel et une fête essentiels
Bien sûr le Coran n’oblige pas au sacrifice du mouton si on en est pas capable. Mais ne pas pouvoir acheter un mouton c’est dur ! Vis-à-vis de la famille, de l’entourage. Ce n’est pas seulement une question de prestige, mais, comme pour n’importe quelle fête importante, le fait de ne pas pouvoir faire plaisir à sa famille.
Je n’ai jamais oublié cet homme à Ouarzazate, qui s’était suicidé parce qu’il ne pouvais pas payer son mouton.
Les publicités pour prendre un crédit pour acheter le mouton de l’Aïd ont disparu. D’abord parce que le crédit à intérêt (riba) est interdit en Islam, c’est donc un peu « dissonant » de faire un acte interdit pour satisfaire une obligation religieuse. Et puis parce que les crédits à la consommation sont de plus en plus chers, avec des taux d’intérêts de plus de 17% !
Les villes sont en train de se vider, en préparation de la fête, Lundi prochain. Pour beaucoup, c’est leur seule occasion de retourner au bled et se retrouver en famille. On ajoute donc au prix du mouton le prix du transport, des jours non travaillés (au delà des jours fériés légaux)
Des moutons moins chers, importés d’Espagne
Cette année, comme l’année dernière, d’ailleurs; le gouvernement marocain a arrangé l’importation de 600.000 moutons et chèvres étrangers, essentiellement espagnols. Moins « cornus » (pas du tout en fait), mais, selon une de mes amies dont la famille élève des moutons près de Casablanca et qui a « testé » avant de les vendre, tout aussi bons.
Et moins chers.
Le résultat en 2023 était que l’offre avait largement dépassé la demande. Cette année, les prévisions de nombre de moutons marocains sont nettement plus faibles… mais les importations plus importantes.
Le problème c’est que :
Ou, toujours selon mon amie : « il faut un Sardi qui ait de belles cornes, pour prouver que c’est bien un mâle. »
Pour conclure je ne résiste pas à partager ce tweet :
https://x.com/lucyinhersky/status/1800640323858641351
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