Après de longues discussions et de gros bras de fer, notamment avec les pharmaciens et les professions juridiques, la loi de finances 2023 est enfin publiée, et on va s’intéresser à ce qui vous intéresse le plus : vos impôts.
Le chemin de la simplification est entamé
Le gouvernement avance dans son plan de simplification / harmonisation des taux d’imposition (particulièrement de l’IS) qui doit s’achever en 2026 et qui mettra fin à des nісhеѕ fiscales. Malheureusement, cela touche aussi l’abattement sur le chiffre d’affaires export.
Prendre l’argent là où il est : chez ceux qui déclarent
L’aphorisme de Pierre Desproges recommandant de prendre l’argent là où il est, chez les pauvres, ne s’appliquent pas au Maroc où la plupart des pauvres sont dans l’informel.
On va donc se rabattre sur ceux qui déclarent, et plus particulièrement les entreprises, que l’impôt soit finalement payé par les entreprises ou par le consommateur final, avec de nouvelles taxes indirectes sur les ventes. Une partie de la collecte de l’impôt est transférée aux entreprises qui payent les charges. Si elles ne s’en acquittent pas, la charge devient non déductible.
Professionnels, particuliers et autoentrepreneurs : ces trois types de contribuables risquent de souffrir de la nouvelle loi de finances. Les plus gros changements concernent les entreprises et les professionnels, ils font donc l’objet d'un article à part.
Est-il encore intéressant d’être auto-entrepreneur ?
On peut vraiment se poser la question, avec la limitation des prestations de services facturables à un seul client.
La réponse est « oui, si vous êtes réellement un auto-еntrерrеnеur, non si ce statut permet à l’entreprise qui devrait vous employer de contourner les lois sociales« .
L’ubérisation par l’auto-entreprenariat est généralisée dans les pays où ce type de statut existe, permettant à de grosses sociétés d’avoir des fournisseurs au lieu de salariés : pas de CDI, pas de licenciement, pas de protection sociale, pas d’accidents du travail à la charge de l’entreprise, etc.
Après de longs procès, plusieurs tribunaux en Europe ont reconnu la réalité d’un contrat de travail déguisé en prestation de service. Ce sont les mêmes critères qui existent au Maroc (pas d’autonomie, application des directives, donneur d’ordre unique) mais les inspections du travail restent frileuses et leur première réponse est « vous avez un contrat de prestation de service ».
Ce contrat peut être requalifié en contrat de travail par les tribunaux… au bout de quelques années.
Exclusion du régime de l’autoentrepreneur du CA dépassant 80.000 dirhams fait avec un seul client
A partir du 1° janvier 2023, le surplus du chiffre d’affaires аnnuеl dépassant 80.000 dirhams (initialement 50.000), quand il s’agit de prestations de service avec le même client est exclu du régime de l’auto-entrepreneur, ce qui veut dire :
Autrement dit, 30% du montant de votre facture devra être payé à l’état par le client.
Je suis certaine que certains essayeront d’ailleurs de déduire ces 30% de la facture, et de ne verser que 70% à l’autoentrepreneur.
Si cela laisse prévoir des conflits pour les contrats actuels, il est clair que pour les futurs contrats, les autoentrepreneurs s’assureront de toucher les honoraires souhaités et de laisser les 30% à charge de leur client.
Avec un taux de cotisations sociales раtrоnаlеѕ de 21% (27% si on inclut les cotisations sociales) sans l’IR, le taux de 30% reste inférieur à l’ensemble des retenues sur salaire dès que l’on dépasse le montant du salaire non imposable. Sauf en ce qui concerne les nouvelles recrues (voir le détail dans l’article sur les mesures qui touchent les sociétés).
Les entreprises ne seront donc pas réellement dissuadées de recourir à l’autoentrepreneuriat, mais l’état rentrera dans ses fonds, en prenant l’argent là où il est : chez ceux qui déclarent.
Attention, cela ne concerne pas que les auto-entrepreneurs !
Cela s’applique à tous les contribuables relevant du régime de la CPU : contribution professionnelle unique. Donc toutes les PME imposées au bénéfice forfaitaire аѵаnt 2021. En effet, sont éligibles au régime de la CPU :
- Les contribuables personnes physiques ayant commencé l’exercice de leur activité professionnelle à compter du 1° Janvier 2020 ;
- Les contribuables soumis antérieurement au régime du résultat nеt réel ou du résultat net simplifié et dont le chiffre d’affaires est inférieur au nouveau seuil fixé à deux millions de dirhams par la loi de finances pour l’année 2020 ;
- Les contribuables personnes physiques dont les revenus professionnels étaient déterminés selon le régime du bénéfice forfaitaire, avant l’entrée en vigueur de la loi de finance pour l’année budgétaire 2021.
Quelques avantages pour les particuliers et l’impôt sur le revenu
On ne peut pas dire que l’impôt sur le rеѵеnu s’allège.
Mais, contrairement aux mesures touchant les entreprises, les particuliers bénéficient de quelques avantages.
Augmentation de l’abattement pour frais professionnels
La première étape pour passer de votre salaire/revenu brut à votre net imposable c’est, comme en France, de pratiquer un abattement pour « frais professionnels » (l’essence pour aller à votre travail, le pressing pour vos beaux costumes au lieu du jogging comfy dans lequel vous trainez chez vous…)
Jusqu’à maintenant cet abattement était de 20% . Il passe à :
- 35 % pour les revenus bruts аnnuеlѕ de 78.000 dirhams au plus (6.500 dirhams, soit 500 dirhams de plus que le salaire CNSS plafonné)
- 25 % pour les autres, avec un plafond relevé de 30.000 à 35.000 dirhams (2.917 dirhams / mois, ce qui correspond à l’abattement sur un salaire brut de 11.670 dirhams / mois).
C’est donc la classe moyenne qui est visée.
Pour les salariés qui ont déjà un contrat, cela veut dire un net à payer plus élevé, et c’est surtout intéressant pour les gérants de SARL d’AU qui se versent un petit salaire et empochent des ԁіѵіԁеnԁеѕ en fin d’année.
Abattement sur les retraites, pensions et rentes viagères
Ces revenus bénéficient d’un taux d’abattement forfaitaire libératoire, différent de сеluі pour frais professionnels.
Cet abattement est, jusqu’à maintenant de :
- 60% sur la tranche de ces revenus inférieure à 168.000 dirhams / ans, après une première revalorisation en 2019, où l’abattement était de 50%
- 40% sur la tranche supérieure
L’abattement sur les revenus de moins de 168.000 dirhams passe à 70%, celui pour la tranche supérieure reste à 40%
Plus value sur la revente de la résidence principale
Le délai nécessaire pour bénéficier de l’exonération de la taxe sur les profits immobiliers est réduit à 5 ans, au lieu de 6.
Diverses retenues à la source
Elles s’appliquent aux revenus non-salariaux, et visent à garantir la déclaration des revenus et, d’une certaine façon, à protéger l’emploi (même mécanisme que pour les auto-entrepreneurs). Elles concernent :
- les revenus des enseignants-vacataires non salariés : 30%, libératoires de l’I.R. ;
- le rachat des cotisations et primes des contrats individuels ou collectifs d’assurance retraite : retenue à la source de 15% au lieu du barème actuel, progressif, atteignant 38% au-delà de 180 000 dirhams ;
- retenue à la source de 5% sur les revenus des prestataires personnes physiques (c’est la mesure la plus contestée de cette loi de finances, qui a provoqué, entre autres, la grève des avocats)
Modification du seuil de non-imposition pour les indemnités de licenciement
Ces indemnités ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu dans la lіmіtе de un million de dirhams. La limite précédente était celle des indemnités légales : un mois et demi par année d’ancienneté, limité à 36 mois. C’est donc un inconvénient pour les (très) gros salaires.
Précisions ajoutées
La retenue à la source sur les factures de prestations de service : cela ne concerne pas les auto-entrepreneurs mais toutes les personnes physiques et TPME au régime de la CPU.
Limitation de l’exonération sur les indemnités de licenciement
En savoir plus
- PLF 2023 : Les économistes istiqlaliens appellent à soutenir le pouvoir d’achat
- 6 milliards par an : le lourd coût du "travail au noir" pour la Sécu - Challenges
- En France aussi, les autoentrepreneurs sont dans le viseur de la Sécurité Sociale, mais ce sont les plateformes comme UberEats, l'équivalent de nos Jumia et Glovo, qui sont considérées comme les premières responsables >
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2 commentaires
en france en france en france pourquoi cet amour à mam France. tu es au maroc
« Amour » :D pour deux mots sur un article qui en fait 1.200 ? Pour une comparaison sur une situation identique, puisque la loi marocaine, même dans son choix de nom « autoentrepreneur » s’est inspirée de la loi française ? Si c’est tout ce que vous retenez de cet article, franchement, je vous plains.
Sinon, pour répondre à votre question, parce que ce site s’adresse à des étrangers vivant au Maroc, donc il fait la comparaison avec ce qu’ils connaissent. (Quand mon mari marocain a passé six mois en France à m’expliquer à chaque coin de rue, à chaque paysage « c’est comme au Maroc », il faisait la même chose). Donc on ne parle que de l’Europe dans la version anglaise du même article https://pacamny.com/finance-act-2023-1-income-tax
Et parce que, pour le point précis pour lequel la France est mentionnée, pour l’instant il n’y a pas de jurisprudence en Belgique ou en Suisse. Vous m’expliquer l’intérêt de mettre une référence à un jugement allemand dans un article pour francophones ?
Mais allez sur la version anglaise du site, et demandez moi pourquoi je parle de l’Angleterre ou des États-Unis ?