Si tu veux comprendre le Maroc, regarde bien cette photo.
C’est la photo des joueurs de l’équipe du Maroc, au retour du Qatar.
Et qui est devant ? Ce sont les Mamans.
Elles sont au premier plan, même le roi est un peu en retrait, on le voit quand même bien car aucune ne s’est mise juste devant lui, mais il est au second plan.
(Par contre, sur la photo avec les joueurs seuls, il retrouve la place qui lui est due, au premier plan, entre son fils Moulay El Hassan et son frère Moulay Rachid).
Ces femmes représentent toutes les couches de la société marocaine, elles vivent au Maroc ou à l’étranger, elles sont plus ou moins jeunes, plus ou moins belles, mais ce sont les mamans des joueurs.
Tu en as vu une ou deux pendant la Coupe, celle qui est allée danser sur le terrain avec son fils, celle qui a embrassé le sien dans les tribunes.
C’est le Roi qui a insisté pour qu’elles soient là, même s’il fallait changer les billets d’avion. Et ce n’est pas que pour la photo…la maman de Hakim Ziyech, qui vit aux Pays-Bas, en a profité pour visiter la medina de Rabat. Mais pas toute seule… elle a eu droit à deux policiers pour l’escorter et la protéger.
(Je la remets pour qu’on puisse tout voir).
Elles ont toutes mis une tenue traditionnelle (sauf une, qui a juste une jupe et une veste longue), parce que comme cela qu’on se fait belle au Maroc. Il y a des caftans, des djellabas, plus ou moins richement brodés, des babouches, des « jolies chaussures » et des chaussures de sport (qu’on appelle espadrilles, ici).
Sur la droite, une des mamans a fait un curieux mélange avec un haut et une veste à petits carreaux noirs et blancs, un pied de poule très européen, au dessus d’une jupe en tissu de dentelle blanche, qu’on appelle « sayyia » et qui fait partie de l’uniforme de fête des Berbères… C’est, je crois, la maman de Hakim Ziyech, la famille est berbère, originaire du Rif, qui arbore de superbes tatouages berbères, devenus rares.
Un peu plus à droite, une maman porte un niqab (le voile qui couvre entièrement le visage à l’exception des yeux) et elle l’a porté pendant toute la compétition. Mais ce n’est pas une terroriste (joke). Elle n’est pas gantée et sa djellaba est de couleur claire, j’interprète qu’elle refuse simplement d’être prise en photo et que ce niqab est sa solution pour participer à l’événement sans que sont visage soit photographié. Une de mes belles-soeurs aussi, totalement adorable, une de celles qui me forçaient à manger pendant Ramadan, avait ce même refus absolu de se laisser photographier.
Elles sont presque toutes voilées, il y en a une qui porte les vêtements blancs des hajjas (les femmes qui ont fait le pèlerinage) et, dans leur apparence, elles sont beaucoup plus diverses que leurs joueurs de fils, dans leur uniforme bleu marine et baskets blanches.
Quand je vois cette photo, je vois plein de femmes que j’ai croisées dans la vraie vie ici, c’est la vraie représentation des femmes marocaines, qu’elles vivent au Maroc ou à l’étranger.
Tu vas me dire « Ouais, coup de pub, communication ». Mais tu aurais tort.
Au Maroc, pour te dire merci, on demande à Dieu de bénir tes parents, Allah irham l walidin, « que Dieu fasse miséricorde à tes parents » (sous entendu, puisque c’est grâce à eux que tu es né et que tu as pu me faire du bien).
Donc c’est normal de remercier les mères des joueurs, ne pas les laisser de côté.
Et les épouses ? On ne les montre pas
C’est ça la grosse différence entre le Maroc et la France. Beaucoup de musulmanes se font appeler « Mère de untel » « Oumm Hakim » par exemple, à la place de leur prénom. C’est ce qu’on appelle la Kunya. L’usage de la kunya n’est pas réservé aux femmes ; pour un homme on utilise Abu (Abu Bakr, ou Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, le vrai nom de Yacoub El Mansour)
Cela veut dire qu’il est plus respectueux de s’adresser à une personne, donc une femme en faisant référence à son statut de mère qu’en utilisant son prénom. Pour l’extérieur, une femme est avant tout une mère. Son rôle de femme-épouse relève de l’intime et ne doit pas être visible en public.
C’est bien, c’est mal ? Je n’en sais rien, c’est comme ça. Je te parle juste de comprendre un peu le Maroc…
En savoir plus
- Nos mères, nos femmes
- "Dans le monde arabo-musulman, il y a une certaine tradition qui montre les mères mais cache les épouses. Cette forme de pudeur comporte sa part d’injustice."
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- "La mère de l’international marocain Bilal El Khannouss a expliqué que le joueur et sa famille étaient censés rentrer en Belgique. Cependant, «le roi a insisté pour que les mamans des joueurs soient également présentes à la cérémonie»"
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- Effectivement, les photos de famille pour les Bleus, c'est surtout les femmes et un peu les enfants. Ça ne veut pas dire que les mamans ne sont pas là, juste que les journalistes s'en moquent. Ou qu'elles ne sont réellement pas là.
- Mondial 2022 : L’équipe du Maroc, appeau du racisme européen
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