L’hоѕріtаlіté marocaine est légendaire. Rien ne la symbolise mieux qu’un repas partagé, tajine et thé à la menthe. Cependant, attention aux légendes… comme leur nom l’indique, ce sont des légendes.
Partager la nourriture
Quand vous entrez dans une boutique où le commerçant boit un thé, si vous croisez des gens que vous connaissez en train de manger, on vous invitera à partager.
Ne refusez pas, prenez-en « juste un chouïa ». Pour un Marocain, c’est Dieu qui a mis cette nourriture sur votre route.
En la refusant, vous vous placez plus haut que Dieu. Mais il est parfaitement possible de n’y tremper que les lèvres, si vous n’avez pas envie de plus.
Rencontrer les marocains chez eux
Si vous voyagez en dehors de groupes, vous serez sans doute invité dans une famille marocaine.
C’est un honneur de vous recevoir, ce qui veut dire, a contrario, qu’en refusant, vous pouvez blesser la personne qui vous a invité. A vous de trouver une très bonne raison. Mais ne refusez pas, ce serait dommage de laisser passer cette occasion …
L’invitation peut venir très rapidement, après une conversation, de la part d’un guide, chauffeur de taxi, commerçant. N’ayez pas de craintes, elle est souvent sincère.
Et si elle est intéressée, au pire, vous serez coincé pendant quelques heures chez quelqu’un qui vous sollicitera. Mais en dehors de certains quartiers chauds, à Casablanca ou Tanger, vous ne risquez vraiment rien. Pour le reste, laissez parler votre intelligence… il y a partout des gens gentils et des gens qui le sont moins.
Cadeaux à apporter
Vous êtes invités dans une maison ?

Comme partout, on ne vient pas les mains vides. Des fleurs, mais plus souvent de la viande (à préparer en brochettes par la maîtresse de maison, aussitôt), des pâtisseries, ou des cadeaux pour les enfants. Surtout si vous allez dans une famille modeste, pensez utile. Les cadeaux d’argent ne sont pas gênants, pas plus que la proposition d’aller faire les courses.
En arrivant, vous serez introduits dans le grand salon marocain, fait de sofas qui courent le long du mur, et de petites tables que l’on bouge dans la pièce.
Déchaussez-vous avant de marcher sur le tapis !
Peut-être qu’on proposera aux femmes d’aller rejoindre les femmes de la maison qui, souvent, mangent dans une pièce différente. Mais en tant qu’européenne, vous n’êtes pas obligée de rester avec elles, et vous pouvez très bien rejoindre le salon des hommes. En revanche, sauf si votre hôte vous le propose expressément, il serait malvenu que les hommes vous suivent.
On vous offrira tout de suite un verre de thé, plusieurs verres de thé, avec des cacahouètes ou des fruits secs. Méfiez-vous, le repas va être copieux !
Le repas

Puis viendra le moment des ablutions avant le repas (n’oubliez pas qu’on mange avec la main droite dans le plat commun), soit dans un lavabo, soit plus agréable, dans un récipient posé devant vous pendant qu’on vous arrose les mains avec de l’eau chaude.
Les mêmes ustensiles repasseront en fin de repas, pour vous laver les mains et la bouche si vous le souhaitez.
Le repas sera abondant, et vos hôtes vous inciteront à en profiter le plus possible.
Il commence par une invocation à la grâce de Dieu, « Bismillah » Quand vous serez tout à fait rassasié, vous pourrez dire avec un grand sourire « safi » ou « baraka » qui veut dire « ça va, ça suffi », sans oublier d’ajouter « Hamdullilah » (Grâce à Dieu). Mais cela sera fort tard dans la nuit.
Selon les moyens de vos hôtes, que cela soit dans un riad, dans une ferme ou sous la tente, on partagera volontiers avec vous tout ce que l’on a, et même ce que l’on n’a pas.
Mais il faut comprendre que cela entre aussi dans un système d’échanges à long terme, normal dans la société marocaine (« Je fais cela pour lui, car il le fera pour moi, plus tard, quand j’en aurai besoin »).
En tant qu’étranger, vous êtes un peu en dehors de ce système. On vous demandera souvent votre adresse, votre numéro de téléphone, et si vous les donnez, il est bien compris que l’on pourra ensuite s’en servir, si on vient en Europe… ou les donner à un ami qui vient.
Attention à vos promesses : un oui vous engage. Un Inch’Allah est un « ni oui ni non » gentil, et compris comme tel.
Vivre avec les marocains : hébergement chez l’habitant.
Cette formule, en revanche, existe peu au Maroc.

En dehors des riads et maisons d’hôtes, qui sont un hébergement touristique officiel, il n’y a pas l’équivalent de nos bed-and-breakfast ou de nos cafés-couettes, et les quelques formules qui existent et s’intitulent « chez l’habitant » cachent en réalité des hébergements professionnels.
La raison en est simple : le contrôle policier est encore très fort, un Marocain qui héberge un étranger doit préalablement le déclarer à la police, et l’ilotage très poussé empêche toute pratique régulière totalement illégale. Aussi les Marocains répugnent à entrer dans ce système contraignant.
Si vous vous faites des amis, ce sera différent. Mais en attendant, « de loin » il n’est pas vraiment possible de trouver un hébergement chez l’habitant..
Vivre – vraiment – invité chez des Marocains
Donc, si vous avez des amis Marocains, ou de la belle-famille, vous serez certainement invités chez eux.
Combien de temps rester ?
Il serait très malpoli de poser un terme à cette invitation. On ne vous dira pas « viens passer la nuit à la maison », mais « viens à la maison ».
Mais tout le monde sait que cette hospitalité n’est pas indéfinie. Et comme beaucoup de choses au Maroc, il y a un hadith qui en fixe le terme : trois jours, pas plus.
Bien sûr, si vous restez quatre jours, on ne vous mettra pas dehors, hospitalité oblige. Mais on pourrait être bien embêté parce qu’on avait prévu de faire des choses. Et on les fera… vous n’êtes désormais plus traité en invité mais en membre de la maison, dont on n’a pas besoin de s’occuper particulièrement et qui doit participer aux frais et aux tâches quotidiennes.
Ou alors, on vous dit explicitement « viens passer tes quinze jours de vacances chez nous à Marrakech« .
L’invité est un roi
Pour un jour ou pour bien plus longtemps, vous serez traité aussi bien que possible.

Ne soyez pas « honteux » comme disent les Marocains, n’hésitez pas à demander si vous avez besoin de quelque chose.
Vivre au quotidien dans une maison marocaine peut être un petit choc culturel.
Vous découvrirez peut-être une vie rythmée par la prière et que celui qui fait la prière peut s’installer dans le salon sans que les autres personnes ne changent leur occupation.
Vous découvrirez aussi un rythme différent, avec des enfants qui peuvent se coucher très tard. Ou une télévision en fond sonore auquel personne ne prête attention. Si vous êtes une femme, vous découvrirez la cuisine marocaine, si vous êtes un homme vous participerez à de longues discussions sur l’avenir du monde autour d’une tasse de thé…
Pour finir, deux histoires d’hospitalité
L’hospitalité au nom de Dieu
Mon mari et moi étions en voyage, pour notre plaisir, nous allions découvrir Imilchil. Nous sommes passés en hors-piste, via le cirque de Jaffar. Nous avions sous-estimé la difficulté de la route, croisé des touristes en perdition, bref, nous sommes arrivés à Imilchil à deux heures du matin.
Tout était fermé, calfeutré, rien ni personne… (ce n’était pas l’époque du Moussem). Nous arrivons à trouver l’auberge pas loin du lac, personne n’ouvre.
Jusqu’à ce que mon mari invoque l’hospitalité au nom de Dieu, pour sa femme.
La porte s’ouvre. L’auberge était gérée par un couple, le mari était en déplacement et la femme avait peur. Mais elle a ouvert au nom de l’hospitalité et pour ne pas laisser une autre femme dehors ! Et ce fut une de mes meilleures nuits. Avec un très beau réveil !

Aïcha toujours aider touristes, touristes toujours prendre le thé et donner cadeau
Plus tôt dans la journée, nous avions vécu l’autre côté de la légende.
Or donc, les touristes qui nous avaient retardés avaient simplement du mal à négocier l’étroite piste de Jaffar. Ils n’avaient besoin de rien d’autre qu’un bon guidage.
Nous avions à peine commencé à les aider que nous avons vu arriver, essoufflés d’avoir couru, cinq hommes qui venaient du fond du cirque, armés de pelles et autres outils, pour « dépanner ». Suivis par une femme, Aïcha, qui prit de force la jeune touriste (et essaya d’en faire autant avec moi), en répétant qu’il fallait venir en bas, toujours les touristes venaient en bas pendant que les hommes réparaient, toujours les touristes étaient gentils avec Aïcha.

Mon mari lui intima l’ordre en berbère de lâcher mon bras, je n’allais nulle part sans lui. Et il mit fin aux explications des hommes qui essayaient de convaincre les touristes que quelque chose n’allait pas dans le moteur, dans les pneus, dans la position du satellite, comme un mauvais garagiste qui cherche à surfacturer.
Leur tente était stratégiquement positionnée pour qu’ils puissent faire preuve d’hospitalité aussi souvent que possible !
Beaucoup plus de harcèlement, pas plus de véritable risque
Depuis que cet article a été écrit, de nombreux voyageurs se plaignent sur les forums d’un harcèlement qui les met mal à l’aise.
En savoir plus
- Pourquoi je ne reviendrais plus au Maroc : ma mauvaise expérience
- L'hospitalité peut être réelle... ou intéressée et même devenir vindicative. Un témoignage d'un touriste, en 2016, qui était pourtant déjà allé au Maroc en 2012 >
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