Avec l’actualité syrienne et le renversement de Bachar El Hassad, j’ai souvent vu rapprocher la dynastie Alaouite des Alaouites syriens ; certains affirment même qu’ils (qui ça ils?) seraient cousins.
Ce n’est absolument pas le cas. Leur nom, dans les deux cas, fait effectivement référence à Ali, le gendre du Prophète, mais pour des raisons très différentes.
Les Alaouites du Maroc sont des sunnites, descendants du Prophète
L’ancêtre de la dynastie Alaouite est Al-Hassan Ad-Dakhil, descendant du Prophète, donc d’Ali (tous les descendants du Prophète remontent à Ali, son gendre) et chérif (un chérif ( شريف ) ou chorfa en darija est tout simplement un descendant du Prophète) .
Il avait été appelé par les habitants du Tafilalt pour bénéficier de sa baraka. Sa présence ayant porté ses fruits, avec l’amélioration de la récolte des dattes, sa famille a fait souche à Sijilmassa.
Huit générations plus tard, en 1631, les habitants de Sijilmassa choisissent comme sultan son descendant, Moulay Ali Cherif, pour lutter contre l’éphémère sultan de Fès Muhammad al-Hajj ad-Dila’i, qui régna six ans après la chute des Saâdiens. C’est le début de la seconde dynastie la plus ancienne du monde, après les empereurs du Japon.
Le mausolée de Moulay Ali Cherif est encore visible à Rissani.
Les alaouites de Syrie sont une secte issue du chiisme
Les chiites, dont le nom vient de l’arabe shia ( شِيعَة ) (partisans, sous entendu d’Ali dans la guerre de succession qui a opposé son fils Hussein aux Omeyades, Hussein étant tué à la bataille de Kerbala).
Les croyances des alaouites (qu’on appelle aussi souvent alawites) sont tout sauf orthodoxes, même pour un chiite. La secte a été fondée au IX° siècle par Ibn Noseïr, qui a été excommunié par les chiites.
Pour résumer, les alaouites croient en une trinité composée du Sens (mana), du Nom (ism) et de la Porte (Bab). Ali, Mohammed et Salman le Perse sont la septième réincarnation de cette trinité.
Selon eux, Ali (le sens) a créé Mahomet (le nom) qui lui-même a créé Salman le Perse (la porte). Ainsi, Mohammed a un rôle secondaire ; il n’est que celui qui professe une version limitée et simpliste de la religion s’adressant aux masses ignorantes, la vraie foi n’étant réservée qu’aux seuls initiés, qui accèdent au Sens (Ali). Ali serait l’incarnation de Dieu, et leur profession de foi est « Il n’y a de Dieu qu’Ali ».
Ils pratiquent une sorte de syncrétisme religieux, avec des fêtes musulmanes, chrétiennes et iraniennes : l’Aïd El Fitr, pour ceux qui pratiquent ramadan est pratiqué par certains, qui célèbrent l’Aïd el-Fitr, Achoura, mais aussi Noël, l’Épiphanie et Pâques et la Sainte-Barbe (Eid il-Burbara), ainsi que la fête iranienne de Noruz.
Les alaouites rejettent le pèlerinage à La Mecque, qui relève à leurs yeux de l’idolâtrie, et ne se préoccupent pas d’aumône : ayant développé «une interprétation symbolique des cinq piliers de l’islam, ils se dispensent de s’y conformer dans la pratique (ibāḥa)». Le vin est vénéré, car il est un symbole solaire et divin.
Comme pour les druzes voisins, l’alaouisme est une religion secrète, qui se transmet par initiation et à laquelle on ne se convertit pas. Il faut avoir un père et une mère alaouite pour l’être soi-même.
Des nosayris aux alaouites
Autant dire qu’avec des croyances pareilles, ils ont été maltraités sous les mamelouks et l’empire ottoman, qui les considère comme inférieurs aux « Gens du Livre ». La question de savoir s’ils étaient musulmans s’est posée en permanence. Quelques fatwas politiques les ont reconnus comme tels, pour sauvegarder l’unité de la région, mais c’est vraiment pousser un peu loin le bouchon.
Ce sont les Français qui changent leur nom de nosayris ou ansariens en arabes (de Ibn Noseïr) en « Alaouites » en créant en 1922 un état Alaouite, histoire de diviser pour mieux régner, comme ils ont essayé de le faire avec le Dahir Berbère au Maroc.
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