Si il y a bien un domaine où le machisme ambiant de la société marocaine musulmane (en fait je ne connais que celle là) éclate au grand jour, c’est bien dans les fêtes.
Dans une famille traditionnelle, les femmes et les hommes sont séparés. Je passe donc de longues journées à m’ennuyer, loin de mon mari, qui ne s’amuse pas beaucoup de son côté non plus qui, lui en profite à fond.

La barrière entre les deux mondes est étanche. Les enfants la franchissent sans trop de problèmes, mais pour les adultes, il serait aussi inconvenant pour un homme d’être dans le salon des femmes que, chez nous, de le trouver dans le dortoir pour filles d’un pensionnat catholique. Et vice-versa, une femme, même très correctement voilée, n’ira pas dans le salon des hommes.
(Sauf pour les servir !)
Les seuls points de contact sont l’entrée, avec l’accueil des invités, les coulisses, et particulièrement la cuisine, où ceux qui apportent les plats aux hommes doivent bien rencontrer celles qui les ont préparés !
Séparées, d’accord. Mais moins bien traitées ? Je n’ai pas vu de fête où les femmes soient accueillies dans des salons aussi vastes, aussi bien décorés que ceux des hommes, alors que l’effet mécanique de la polygamie et des petits enfants qui accompagnent leur mère fait que nous sommes plus nombreuses.
Toujours, dans les fêtes, nous sommes servies après les hommes. Comme si nos estomacs – et surtout ceux des femmes qui allaitent – résistaient mieux à la faim que ceux des hommes. Et parfois, nous sommes moins bien servies. Il est difficile de faire une étude comparative verbale avec mon mari, qui trouve toujours tout bon et bien, mais j’ai eu plusieurs fois la très nette impression que notre viande était moins abondante, ou nos fruits moins mûrs. Ou alors, c’est tout simplement le fait d’attendre une ou deux heures de plus que ces messieurs ?
La fête de pèlerinage d’Ammi M’Bark en a été un très bon exemple.
Nous l’avons accueilli à l’aéroport vers six heures du matin. Enfin, nous avons commencé à l’attendre vers six heures du matin. Nous en sommes sortis à neuf heures, nous avons dû arriver chez lui vers midi. Tout être normalement constitué ne serait pas suffisamment nourri par le misérable café et croissant sec que nous avions mangé à l’aéroport. On était donc affamés.
L’attente dans le petit salon des femmes a duré plus de trois heures, durant lesquelles j’ai vu passer deux fois la théière et les petits gâteaux, et le plateau de petits verres d’eau de Zem Zem. Aussi miraculeuse soit elle, elle contient zéro calories ! De la porte de notre salon, en rez de chaussée, meublé de matelas de divans (les éponges, comme on dit ici) posés à même le sol, et d’une vieille télé dont le tube cathodique colorait bizarrement le film rapporté de La Mecque, nous voyions passer les plats qui allaient nourrir les hommes.
Vers quinze heures, on nous a sorties de notre salon, pour passer dans la tente caïdale. Là, entre deux épisodes de musique, on a attendu jusqu’à dix heures, pour être servies. Le traiteur en avait ras la casquette, il voulait accélérer le mouvement, autant dire que j’avais l’impression de faire le dernier service d’un Flunch…

Finalement, mon mari et moi sommes partis vers vingt heures. Les femmes avaient fini de déjeuner, on préparait le dîner des hommes. A ce rythme là, les femmes ne dîneront pas avant minuit, une heure du matin… quand elles dîneront, car en fin de soirée, leur mari rassasié, ayant une longue route à faire, voudra sans doute rentrer sans attendre, et elles emporteront un sandwich de pain rempli de viande, et quelques fruits, pour la route.
Séparées et inégales… séparées et inférieures, en tout, dans l’éducation, dans les fêtes, à la mosquée.
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