L’alphabet arabe ne comprend pas un certain nombre de lettres. Il n’y a par exemple, ni G, ni P ni V.
Comment faire, donc, pour retranscrire des mots « étrangers » qui comportent ces lettres ?
Je mets « étrangers » entre guillemets, car beaucoup de ces mots sont en réalité locaux. Par exemple, le nom de la ville d’Agadir au Maroc. Le besoin existe aussi pour les langues non-arabes mais écrites avec des caractères arabes, comme le persan, l’ouighour ou le tamazigh.
J’avais déjà abordé le sujet dans l’article sur les logos en arabe sans mettre d’image montrant les lettres supplémentaires.
Jim, Djim, Guim : darija marocaine et masri (dialecte égyptien)
En fait tout à commencé lors d’un échange sur X, où un Marocain se plaignait que sa langue soit « algérisée » par les Français qui prononcent « djellaba », « djebel », etc. alors que, selon lui, la véritable prononciation de la lettre jim serait sans le d initial.
Bon, pas de bol, en réalité la prononciation « dj » est celle de l’arabe standard (fusha) et c’est le marocain qui dévie de la norme. Mais pas toujours ! Par exemple, un arabophone dira toujours « darija » et pas « daridja » pour دارجة .
Mais en cherchant comment se prononçait, dans « l’absolu » le prénom جمال , Jamel ou Djamel ? je suis arrivée sur la fiche Wikipedia de Nasser, que tout le monde appelle Gamal Nasser : جمال الناصر . (On notera aussi la transcription avec un A à la fin au lieu du E dans le reste du Maghreb).
Oui, parce qu’en égyptien, le jim se prononce « Gu ». « Toujours ». Ou presque. Parce que l’Égyptien a aussi besoin du son « J ». Et dans ce cas, il utilise une autre lettre, un jim avec trois points en dessous : ݘ
Le P et le V en égyptien
Deux autres lettres sont utilisées par les Égyptiens, avec le même système de rajout de points ( إِعْجَام ou l’jam) à des formes de bases existantes :
- le « V » est rendu avec un Fa surmonté de trois points, comme ceci : ڤ
- le « P » est rendu avec un Ba avec trois points en dessous, comme ceci : ݒ
Le V est utilisé en marocain, mais quasiment pas le P qui sera retranscrit par un Ba normal, et prononcé B.
Agadir, Zagora, Figuig, etc. : le « G » en marocain est amazigh
La forte présence de la lettre G dans les noms de lieux marocains vient du tamazight (où on utilise la lettre ⴳ).
Le choix du Maroc a été d’utiliser le Kaf surmonté de trois points : ݣ de préférence au Kaf surmonté d’un trait oblique گ . On lui donne le nom de Gāf. Ailleurs au Maghreb (Algérie et Tunisie), on utilise plutôt le Qaf à trois points : ڨ .

Si Wikipedia mentionne la graphie avec le Gāf, en général on trouve le Kaf aux trois points, en tout cas sur les panneaux autoroutiers.
Bien qu’on trouve aussi parfois la graphie sans point ni trait :

Le « V » marocain : Vitalya, l’eau minérale d’Oulmès
J’ai récemment vu un « V », pour la marque d’eau minérale Vitalya. On utilise un Fa avec trois points, comme ceci ڤ . A ne pas confondre avec le Qaf à trois points utilisé pour le G en Algérie et Tunisie ! D’ailleurs, ces deux pays utilisent une version avec les trois points en dessous ڥ !

On pourrait aussi écrire Volvo ڤولڤو ou Land Rover لاند روڤر avec cette lettre, mais ces marque n’arabisent pas leur logo. J’ai juste trouvé cette casquette vendue aux Emirats Arabes Unis.

Alphabet arabe ou alphabet fusha ?
Deuxième étape (ou plutôt première, car c’est elle qui m’a amenée à me plonger dans les lettres supplémentaires) : une discussion sur Facebook, cette fois-ci, où on demandait la transcription en caractères arabes du prénom Augustin. La solution proposée était de remplacer le G par un ayn et d’écrire « Aoughistine » : أوغستين . A une personne qui proposait le ݣ , on a répondu « oui mais ce n est pas une lettre arabe ».
Bon et c’est quoi, alors ? Une lettre martienne ? Un effort local semble-t-il … « je parle d arabe classique. le reste n’est qu effort local et ou régional ».
On retombe encore sur cette vision monolithique de l’arabe comme une langue qui ne doit pas s’adapter et pour laquelle les « efforts locaux » sont à rejeter.
Les « blocs unicode » arabes
Reste à savoir comment écrire ces lettres sur un clavier d’ordinateur sans avoir à douloureusement les copier-coller à chaque fois qu’on en a besoin.
Ce que j’ai commencé par faire, et puis au tiers de l’article, ça m’a profondément gonflée.
Je vous avais déjà expliqué comment installer un clavier arabe sur votre PC (désolée pour les fans d’Apple…), mais lequel ? Aucun clavier arabe ne contient toutes les lettres supplémentaires utilisées au Maroc. Car elles appartiennent à différents « blocs unicode » c’est-à-dire à différents sous-ensembles de caractères.

Après avoir installé les différents arabes me permettant d’obtenir ces lettres sur un clavier virtuel, j’ai décidé de créer mon propre clavier virtuel « Marocain étendu » et je vous explique ici comment faire.
En savoir plus
- alphabet arabe egyptien : apprendre à lire l'arabe égyptien par les publicités - Jean-Pierre Georgin
- Liste des caractères arabes supplémentaires utilisés en dialecte égyptien
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