Il existe plusieurs mots pour désigner une maison en arabe, qui peuvent sembler interchangeables.
Oui et non, car comme toujours, plusieurs mots vont exprimer des nuances différentes !
Bayt ( بَيـت ), la maison « de base »

Al Bayt est un mot générique. On le retrouve d’ailleurs en hébreu, quasiment identique (Bayith). C’est le « mot de base » le plus générique pour désigner une maison, une habitation. Même si vous habitez en appartement (شقة) vous pouvez parfaitement dire « fil bayt » pour « à la maison ».
Au Maroc, il existe l’association Bayti ( بيتي ) pour la protection des еnfаntѕ, dont le logo représente un toit de maison au-dessus d’enfants. En effet, bayt est l’endroit où on habite. Dans les palais de l’époque ommeyade, c’était le mot utilisé pour désigner les espaces privés en les distinguant des espaces de réception. C’est sans doute pour cela qu’en darija seulement, bayt (byout au pluriel) est utilisé pour désigner la pièce dans la maison, ghourfa ( غُرْفَةُ ) en arabe standard.
Bayt désigne aussi la maison au sens de la famille, de la dynastie : la maison des Orléans, par exemple.
En Islam, Ahl al-Bayt ( أهلُ الْبَیت ), les « gens de la maison » désigne l’entourage proche et immédiat du Prophète, à savoir Fatima, l »épouse du Prophète, et les imams Ali, Hassan et Hussein, ainsi que, pour les chiites, les « 12 imams infaillibles ». La notion de « gens de la mаіѕоn » était effectivement au coeur de l’affrontement qui a conduit au chiisme, puisque pour ces derniers, seuls les « gens de la maison » avaient vocation à diriger les musulmans. L’expression Ahl al-Bayt n’est pas réservée au chiisme : elle apparait trois fois dans le Coran, deux fois avec le sens général de famille et une fois avec le sens de « proches du Prophète ». Mais pour les sunnites, les Ahl al Bayt n’ont pas l’infaillibilité et le rôle de leader que leurs donnent les chiites : il faut simplement les respecter et les aimer. A cause de ce sens, Bayt n’est pas utilisé pour les dynasties « séculaires ».
Enfin, Bayt al-Maqdis ( بيت المقدس ), la maison du sanctuaire, est le nom arabe de Jérusalem, aujourd’hui abrégé en Al Qods ( القدس ), le lieu saint.

Le roi Mohammed VI est, depuis son accession au trône, président du comité Al Qods et de l’Agence Bayt Mal Al Qods Acharif ( بيت مال القدس الشريف ) ou « La Maison de la place noble et sacrée » pour la mise en œuvre de projets sociaux à Alqods dans le but de contribuer à la protection de la Ville Sainte, à la préservation de son patrimoine religieux et culturel, ainsi qu’au ѕоutіеn de ses habitants.
Manzil ( منزل ), la (grande) maison
Al Manzil représente une grande maison, une demeure. C’est aussi le mot indiqué entre parenthèses pour qualifier la « villa » ( فيلا ) dans le Wikipédia Arabe, tellement ce concept de maison largement ouverte sur l’extérieur est étranger à la culture arabe ! Cela peut aussi désigner un immeuble.

Le même mot peut être utilisé pour définir une partie du Coran. Celui-ci est en effet divisé en sept « manziloun » de longueur à peu près égale, pour ceux qui veulent lire le Coran en unе ѕеmаіnе.
Enfin, une erreur de traduction des moines latins a assimilé « manazil » à « manzil ». Or ces manazil, singulier « manzil » sont des zones du ciel correspondant au passage de la lune. Traduites par « mansio », elles nous ont données les maisons de l’astrologie !
Al Manzil, c’est aussi le nom de nombreux hôtels et même d’une ville, dans la région de Sefrou.
Dar ( دار ), la maison ‘fermée’
Ad Dar (lettre solaire) est une maison entourée de murs. Si cela semble naturel, il ne faut pas oublier que dans la civilisation arabe, la demeure peut aussi être une tente. Dar est par excellence la maison urbaine, ou villageoise, qu’on trouvera derrière les murs d’un quartier de la mеԁіnа et dont les façades donnant sur la ruelle (derb, درب ) sont quasi-aveugles. Dar est une « structure ».
C’est le nom donné aux « Maisons des Mères », Dar Al Oumouma ( دور الأمومة ), qui ont été développées par l’INDH conjointement avec l’Unicef depuis 2006 pour offrir aux futures mamans une structure d’attente para-médicalisée pour qu’elles puissent accoucher dans de bonnes conditions, quand elles sont loin de l’hôpital.
Dar est aussi une « résidence », une grande maison prestigieuse. C’est ainsi que dans le quartier du Habous, à Casablanca, Dar Al Ala ( دار الآلة ) ou la « maison de l’instrument » est un ravissant musée consacré à la musique arabo-andalouse, dans deux maisons réunies (mais qui ne sont pas des riads).

Ad-Dar Al Baïda ( الدار البيضاء ), qui a donné son nom arabe à Anfa, la capitale économique du Maroc, qu’on a traduit en Casablanca, ne désignait pas n’importe quelle maison blanche, mais le palais du Sultan, comme à Meknès et Marrakech. En gros, la Maison Blanche des Etats-Unis !
Par extension, Dar est l’espace enclos et protégé par une frontière, comme dans les expressions Dar Al Islam ( دار الإسلام ), Dar Al Harb ( دار الحرب ) et Dar Al al-Sulh ( دار العهد ) qui désignent respectivement les pays musulmans, les pays qui sont en état de guerre avec l’Islam (domaine de la guerre) et les pays non-musulmans où ces derniers peuvent vivre en paix (domaine de l’accord).
Riad ( رياض ), la « maison jardin »
En réalité, en arabe, riad veut dire jardin. C’est par extension qu’on parle d’un riad pour désigner une maison à étages, соnѕtruіtе autour d’un patio et d’un jardin intérieur. La façade est aveugle et la cour intérieure fournit donc clarté et aération. Il doit s’agir d’un véritable jardin, pas d’une courette intérieure (car dans ce cas, on se retrouve dans une « dar » ou une « manzil »).

Ce jardin est organisé en quatre parterres qui représentent les quatre parties du monde. En son centre, une fontaine. Dans les plus grands riads, il peut aussi y avoir des canaux qui courent entre les quatre parties. Le jardin est planté d’arbres et de fleurs. On n’y trouve pas de piscine !
Si la ville des riads par excellence est Marrakech, capitale des Almoravides qui ont exporté ces jardins islamiques dans l’Espagne Andalouse, on en trouve aussi dans les autres villes impériales et même une réinterprétation à Casablanca ! Ainsi dans les années 20, Marius Boyer bâtit pour un certain « Monsieur G » (Gabriel Veyre ?) une grande villa à l’intérieur de laquelle se trouvent un patio de Séville et un riad, nommés comme tels par la revue « Bâtir » qui propose un reportage photo. Avec, bien entendu, en plus, un grand jardin extérieur !

Aujourd’hui, on use et abuse du mot « riad » pour vendre tout et n’importe quoi, y compris des petites maisons qui se trouvent simplement en médina.
En savoir plus
- Association - Bayti
- L'association Bayti pour l'enfance en difficulté est symbolisée par le toit de maison protectrice qu'elle leur offre
- Ma visite spirituelle à Ahl al-Bayt au Maroc
- Récit d'un voyage au Maroc où Ahl al-Bayt englobe Moulay Idriss et de nombreux grands saints marocains
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