Il y a un certain nombre de différences entre le régime de la séparation de biens tel qu’il est défini dans le droit musulman marocain et le régime de la séparation de biens dans la loi française.
Ce qui rend encore plus nécessaire la rédaction d’un contrat de mariage « français » avant le mariage au Maroc et explique pourquoi ce contrat de mariage français est exigé par l’état-civil de Nantes pour acter la séparation de biens à l’état-civil en France. Si vous n’en avez pas et que vous ne procédez pas à une modification de votre régime matrimonial, votre mariage sera sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.
Séparation de biens : le principe de base
Chacun des deux époux gère ses biens et ses revenus, sans aucune possibilité de mise en commun, autre que volontaire (un compte bancaire joint, par exemple).
S’il est mis fin au mariage, chacun des deux époux repart avec ses biens.
En France, le régime de la séparation de biens est défini par les articles 1536 à 1543 du Code Civil, en définissant des différences par rapport à la situation générale (articles 1387 à 1399-6).
Au Maroc, il n’y a qu’un seul régime. Il n’est donc pas nécessaire de le « définir ». Sa « définition » se trouve dispersée dans les articles du Code de la Famille, mais aussi du Code de Procédure Civile et du Code de Procédure Pénale. Cela veut aussi dire que si la loi change, le « régime » change.
L’article 49 du Code de la Famille précise la séparation de biens :
Les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre. Toutefois, les époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront acquis pendant leur mariage.
Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage.
Les adoul avisent les deux parties, lors de la conclusion du mariage, des dispositions précédentes.
A défaut de l’accord susvisé, il est fait recours aux règles générales de preuve, tout en prenant en considération le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour fructifier les biens de la famille.
On voit que les biens acquis pendant le mariage peuvent être considérés comme le résultat d’un « effort commun » et donc répartis entre les deux époux. Le document distinct de l’acte de mariage, ou convention matrimoniale, est donc essentiel.
Les obligations des époux
Au Maroc, l’homme doit absolument tout payer
Au Maroc, la charge des besoins du ménage, y compris ceux de l’épouse, et de l’entretien des enfants repose entièrement sur l’homme, même si son épouse est plus riche que lui ou gagne plus d’argent.
On considère que la contribution de la femme aux dépenses du ménage est un un service qu’elle accepte de rendre à son époux, mais en aucun cas une obligation. L’homme doit la vêtir, la nourrir, lui fournir les domestiques dont elle peut avoir besoin. Et bien entendu, en faire autant pour ses enfants.
C’est une obligation religieuse qui trouve sa source dans le Coran et de nombreux hadiths et qui est renforcée par la doctrine malékite.
La première rédaction du Code de la Famille, en 1958, était très claire :
Chapitre 5, Article 115
Toute personne subvient à ses besoins par ses propres ressources, à l’exception de l’épouse, dont l’entretien incombe à son époux.
Avec la « nouvelle » Moudawana, en 2004, la formulation change :
Article 187 du Code de la Famille
Toute personne subvient à ses besoins par ses ressources propres, sauf exception prévue par la loi.
L’obligation alimentaire résulte du mariage, de la parenté et de l’engagement.
On pourrait donc croire que l’épouse devrait subvenir à ses besoins, mais l’article 194 précise une exception prévue par la loi :
Article 194 du Code de la Famille
L’époux doit pourvoir à l’entretien de son épouse dès la consommation du mariage. Le même droit à pension alimentaire est reconnu à l’épouse qui a convié son mari à consommer le mariage, après la conclusion de l’acte.
En France, les époux doivent tous les deux contribuer au ménage
Article 1537 du Code Civil
Les époux contribuent aux charges du mariage suivant les conventions contenues en leur contrat ; et, s’il n’en existe point à cet égard, dans la proportion déterminée à l’article 214.
Article 214 du Code Civil
Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile.
Les impôts
Au Maroc, il n’y a pas la notion de foyer fiscal
Chaque époux est responsable, séparément, des impôts sur ses revenus ou sur les biens qu’il possède.
Il n’y a pas non plus de quotient familial, comme en France. Uniquement un abattement pour personnes à charge, accordé au père puisqu’il a la responsabilité de subvenir à leurs besoins.
En France, le foyer fiscal globalise l’impôt sur le revenu
Les deux époux sont donc solidairement responsables de leur impôt sur le revenu ; les parts fiscales sont appliquées sur le revenu global du foyer.
Les dettes des époux
Le régime de la séparation de biens implique que chacun des époux est, seul, responsable des dettes qu’il contracte. (Sauf bien sûr dans les cas d’emprunts communs ou de caution).
En France, un époux peut être solidairement responsable des dettes de l’autre
Article 1536 du Code Civil
Chacun d’eux reste seul tenu des dettes nées en sa personne avant ou pendant le mariage, hors le cas de l’article 220.
Article 220 du Code Civil
Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
En cas de divorce
Au Maroc, seule la femme peut prétendre à une pension alimentaire ou à une compensation
En effet, le Code de la Famille parle de la pension alimentaire accordée à l’épousE uniquement.
Article 195 du Code de la Famille
La pension alimentaire, accordée à l’épouse par jugement, prend effet à compter de la date à laquelle l’époux a cessé de pourvoir à l’obligation d’entretien qui lui incombe et n’est pas prescriptible.
Article 199 du Code de la Famille
Lorsque le père est, totalement ou partiellement, incapable de subvenir à l’entretien de ses enfants et que la mère est aisée, celle-ci doit assumer la pension alimentaire au prorata du montant que le père est dans l’incapacité d’assurer.
Cet article parle de la pension alimentaire pour les enfants.
(Sauf en cas de divorce par Khol, une procédure particulière où, en quelque sorte, la femme « achète » son divorce).
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