Il fait partie de ces auteurs prolifiques, au nom peu connu du grand public, grand public qui a pourtant baigné dans ses créations ! Tito Taupin est en effet scénariste, auteur de romans principalement policiers, graphiste… c’est le père de Navarro, d’affiches de films de Jean Yanne, avec qui il était ami… et c’est un natif de Casablanca, qui y a situé de nombreux livres.
On peut en découvrir un cet été, en feuilleton dans l’Économiste (liens en bas de la page, qui seront mis à jour tous les jours) un roman initialement paru en 2011 chez Denoël « Les Enfants perdus de Casablanca » (et, pour la petite histoire, quand j’ai vu apparaitre l’article dans mon agrégateur de news, j’ai cru qu’il s’agissait d’une série sur les enfants des rues…)
Les Enfants perdus de Casablanca
[llm_asa_before format= »alignright » size= »onehalf »][asa article]220711158X[/asa][llm_asa_after]Tito Topin a souvent écrit des romans policiers qui se passent au Maroc ou en Afrique du Nord. Mais « Les Enfants Perdus de Casablanca« , c’est autre chose.
Écrit différemment, ce serait un roman à la Yasmina Khadra, une histoire d’amour et de vie sur fond de pays colonisé qui se décolonise.
Mais le style est beaucoup plus resserré, beaucoup plus dur. Chez Yasmina Khadra, on est souvent dans le souvenir, ici c’est l’action qui prime, avec tout le savoir faire de l’auteur de romans policiers. Ça ne traîne pas, dès le premier paragraphe, on entre dans l’action, violente, brutale.
Le livre s’ouvre en effet en 1955, pendant les émeutes qui précèdent l’indépendance du Maroc. Si celle-ci a été nettement plus rapide et moins douloureuse que l’indépendance algérienne, elle ne s’est pas faite sans morts ni violences, qu’on a aujourd’hui tendance à oublier, et que le roman rappelle.
Les personnages principaux, Jilali Lamrani, l’avocat marocain qui lutte pour l’indépendance, Gabrielle, la belle musicienne, Louis Shapiro, le sergent américain qui a ouvert un bar à Casablanca – à l’époque on disait un « speakeasy », Lucas, le pied-noir, sont tous réunis dans les premières pages.
Avec tout le savoir-faire du romancier, Tito Topin nous abandonne sur un beau suspense, avant de repartir en 1942 : Lamrani arrivera-t-il à protéger Gabrielle et ses enfants contre la fureur des colons qui veulent faire la peau aux indépendantistes ? En 1942, similaire mais différente, c’est à nouveau une scène de porte forcée, mais c’est la guerre… je vous laisse découvrir la suite !
A l’exception de Gabrielle, les personnages sont réels ou « inspirés de personnages réels ». En particulier, s’il a changé de nom, Louis Shapiro a bien existé, c’est autour de son personnage que Tito Topin a commencé à inventer cette histoire.
Et si vous êtes, comme moi, des lecteurs impatients et que vous vous dites qu’à ce rythme là il va falloir l’année entière pour arriver au bout des 440 pages du roman, que vous n’aimez pas être coupé quand vous vous plongez dans une histoire, alors, tout simplement, achetez le roman !
Voici, finalement, une interview où Tito Topin nous parle de son roman, basé sur un personnage historique. Admirez les superbes lustres marocains !
Qui est Tito Topin ?

L’univers policier, Tito Topin connait vraiment bien, puisqu’il est « né dedans », son père était commissaire de police à Casablanca. Quand il a dix ans, en 1942, la famille déménage à Oran (oui, à l’époque du Protectorat et de l’Algérie Française, ces échanges étaient plus faciles) où il devient détective privé. Curieusement, c’est justement en 1942 que débutent « Les Enfants Perdus de Casablanca » !
Manifestement pas passionné par les études, il abandonne en cours de route des études commerciales, abandonne aussi un travail fascinant d’aide-comptable pour devenir retoucheur de photos (ce qui, dans les années 50, n’avait rien à voir avec l’utilisation de Photoshop). Il entre ainsi dans la grande famille des graphistes et publicitaires, puisqu’à l’époque, la retouche photo était essentiellement utilisée par la publicité.
Après quelques déboires avec l’armée, qui lui vaudront trois mois de prison pendant son service militaire, il part pour le Brésil en 1956. Il y rencontre brièvement Gérard Lauzier, futur auteur de bande dessinée à succès, avant de s’installer à Sao Paulo, travailler en agence de pub puis monter sa propre agence. Six ans après, en 1962, il est de retour à Casablanca, où il créé à nouveau sa propre agence, puis prend la direction de Havas Maroc.

Quatre ans plus tard, en 1966, il part à Paris, pour exercer, cette fois avec plus de stabilité, le métier de graphiste. C’est bientôt la rencontre avec un ami d’une vie, Jean Yanne, avec lequel il va mener de nombreux projets : affiches de films comme « Tout le monde il est beau« , cette géniale satire du monde publicitaire, ou « Les Chinois à Paris« , des bandes dessinées, … Pour la petite histoire, les Editions Casterman ont pensé à les réunir sur un malentendu : ces deux iconoclastes travaillaient, l’un pour la presse catholique, l’autre pour une radio conservatrice !
Avec Jean Yanne et Jean-Pierre Rassam, il monte « Cinéquanon Studios ». L’échec de cette société le pousse à quitter Paris, à quarante-six, en 1978, il abandonne Paris et le graphisme, pour la Provence et la gravure sur bois. Comme il le raconte, les stages avaient lieu l’été, ce qui lui laissait chaque année neuf mois d’inactivité. Il s’attelle à sa machine à écrire et c’est le début d’une carrière prolifique, avec des œuvres variées, des romans, des polards, des nouvelles ….
Le tout premier, « Graffiti Rock » est publié en 1982. L’année d’après il reçoit le Prix Mystère de la Critique pour « 55 de fièvre« .
En 1989. Un an plus tard, il crée le personnage de Navarro pour la télévision française : il va en assurer, pour chacun des 103 épisodes, le scénario, les dialogues et la direction de collection.
Savez-vous qu’à l’origine, il avait vu Jean Yanne pour incarner le Commissaire Navarro ? Mais ce dernier aurait, à l’époque été trop cher pour la série débutante. Roger Hanin, « remplaçant low cost » ! En 2005, en désaccord avec la direction de la fiction de TF1, il arrête la série.
Entre temps, il a aussi produit une cinquantaine d’autres films pour la télévision…
A 83 ans, Tito Taupin reste un créateur actif et prolifique, et présent sur internet !
Chaque jour, cet article sera complété avec la dernière parution à lire sur l’Economiste. Bonne lecture !
En savoir plus
- Dixième épisode : Duel dans les airs
- Onzième épisode : Le plongeon de la mort
- Douzième épisode: Canonnades en série
- Premier épisode: Le jour de l’irréparable
- Deuxième épisode : A mort, à mort ! les indépendantistes
- Quatrième épisode: Pause militaire
- Cinquième épisode: Les insomnies du général Patton
- Sixième épisode: Discussions au sommet
- Septième épisode : Batailles pour le commandement
- Troisième épisode : Souvenirs d’Amérique
- Neuvième épisode : Trainées blanches sur la mer grise
- Huitième épisode : Un mal de mer à vomir ses tripes
- Tito Topin, le site officiel
- Treizième épisode : Double blessure chez les Maisonneuve
- Quatorzième épisode : Lueurs d’apocalypse
- Dix-septième épisode : Coup de foudre à l’enterrement
- Seizième épisode : Convoi funèbre vers Ben M’sik
- Quinzième épisode : Un hôpital de fortune pour Lucas
- Dix-huitième épisode : Les destins croisés de Jilali et Gabrielle
- Dix-neuvième épisode: Un héros pour le général Patton
- Vingtième épisode : Ratonnade dans la médina
- Vingt-et-unième épisode : Paroles de flics ex-vichystes
- Vingt-deuxième épisode : Une plaidoirie pour la vie
- Vingt-troisième épisode: Les surprenantes révélations de Gabrielle
- Vingt-quatrième épisode : Homicide au Bousbir
- Vingt-cinquième épisode : des vocations pour Lucas
- Vingt-sixième épisode: Un cadavre encombrant
- Vingt-septième épisode : des coups sénégalais
- Vingt-neuvième épisode: Convalescence sous le soleil
- Trentième épisode: Les monstres de l’Histoire
- Vingt-huitième épisode: Des bruits d’indépendance
- Trente-et-unième épisode : Roue de fortune pour Louis
- Trente deuxième épisode: Mêlée dans un piano bar
- Trente-troisième épisode : Un lointain amour de jeunesse
- Trente-quatrième épisode : Gabrielle star d’un soir
- Trente-cinquième épisode : Etranger dans son pays
- Trente-sixième épisode: Mission de haute importance pour Jilali
- Trente-neuvième épisode : Des veuves à toute épreuve
- Trente-septième épisode : Etrange revirement alimentaire chez Lucas
- Trente-huitième épisode : Assassinat dans une boucherie
- Quarantième épisode : «L’osse» de l’Arabe
- Quarante-et-unième épisode : La rencontre
- Quarante-quatrième épisode : Un aller pour Ouargla
- Quarante-troisième épisode : Tourments amoureux
- Quarante-deuxième épisode : Le jour de la passion
- Quarante-sixième épisode : Retour douloureux pour Lucas
- Quarante-cinquième épisode: Un justicier dans le wagon
- Quarante-neuvième épisode : Liquidation à la rue Colbert
- Quarante-septième épisode : Coups de blues chez les amoureux
- Quarante-huitième épisode : Une étrange panne de voiture
- Cinquantième épisode : Confessions du retour
- Cinquante-et-unième épisode : Des billets pour un cadavre
- Cinquante-deuxième épisode : Compromis gênant pour Jilali
- Soixante-cinquième épisode : Proposition de rédemption
- Soixante-sixième épisode : Ils se sont tant aimés
- Cinquante-troisième épisode : Mise en garde pour Louis
- Cinquante-quatrième épisode : Les débordements d’un mari jaloux
- Cinquante-cinquième épisode : Le Wydad a perdu
- Cinquante-sixième épisode : Un parrain imperturbable
- Cinquante-septième épisode : Un droit indéfendable
- Cinquante-huitième épisode : Un plan pour les poulets
- Cinquante-neuvième épisode : Vue imprenable sur Aïn Diab
- Soixantième épisode : Des aveux douloureux
- Soixante-et-unième épisode : Les gris-gris de Bouchentouf
- Soixante-deuxième épisode : Le jour de l’attentat
- Soixante-troisième épisode : Traquenard judiciaire
- Soixante-quatrième épisode : Négociations carcérales
- Epilogue >
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4 commentaires
Et voilà, c’est terminé. Terminé de main de maître, comme un polar, avec encore un rebondissement dans le dernier épisode. (Que je vous déconseille vraiment de lire avant la fin).
J’ai adoré ce feuilleton, avec son rythme effréné, son réalisme cynique sur les mauvais côtés de la guerre et de la lutte pour l’indépendance, la complexité de ses personnages… Un grand merci à l’Economiste et Denoël pour cette parution.
Bonjour
très bon roman qui m’a permis de découvrir une autre facette de l’histoire de Casa.
Je constate cependant que votre dernier feuilleton s’arrête à 52 ?
Oups, non, on était juste partis un peu en vacances. Rien que pour vous, en urgence, les nouveaux épisodes, jusqu’au 64, en date d’hier. En plus il se passe plein de choses…
Super idée ! Je me suis plongé dans la lecture aujourd’hui, au lieu de bosser. J’aime beaucoup, c’est bien écrit, sans chichi. Je crois que je vais faire comme vous conseillez, je vais acheter le livre !