C’est une bonne nouvelle qui vient de tomber pour les Marocains voulant se rendre en France : la crise des visas est terminée.
Après plus d’un an, la France a décidé de ne plus réduire de moitié les visas accordés au Marocains, sans que, semble-t-il, le Maroc ait lâché du lest sur « le » point litigieux : le retour au Maroc des mineurs en situation irrégulière.
(Ce qui m’a toujours semblé très illogique : refuser les visas aux gens qui veulent et peuvent venir légalement, à cause de ceux qui sont venus illégalement).
Qu’est-ce qui a bien pu faire plier la France ?
Sans doute tout un ensemble de raisons très différentes.
Ne pas compromettre plus le partenariat économique avec le Maroc
En tant que partenaire économique, le Maroc est globalement beaucoup plus important pour la France que l’Algérie. Si l’Algérie a du gaz et du pétrole, le Maroc a une industrie et accueille de nombreuses entreprises françaises (je parle des filiales, pas des sociétés créées au Maroc par des Français expatriés).
La France est (encore pour l’instant) le premier investisseur étranger au Maroc, avec plus de quatre milliards d’euros d’investissements.
Et la France souhaite sans doute être partie prenante pour les futurs investissements du Maroc, dont les gros contrats sont, pour l’instant, accordés à des sociétés asiatiques, en particulier chinoise. L’investissement dans une centrale nucléaire qui se discute sérieusement, en particulier, est stratégique pour la France.
Restaurer l’image de la France au Maroc : ça va être long
La crise des visas a focalisé de nombreux ressentiments
L’orientation vers l’anglais prise par le Maroc n’est pas directement liée à cette crise, mais à une vision à moyen-terme et à la reconnaissance de la prédominance de la langue anglaise. Mais beaucoup de Marocains ont manifesté leur rejet du pays et de sa langue, ont aussi fortement critiqué l'enseignement français au Maroc…
Les dommages faits à l’image de la France ont été profonds. Les Marocains, plus que beaucoup d’autres pays, sont orgueilleux, fiers de leur pays et ont du mal à pardonner l’humiliation. La France va devoir beaucoup faire pour restaurer son image.
Les Marocains ont découvert d’autres pays
Refusés en France, les Marocains se sont rabattus sur d’autres pays plus accueillants. Les étudiants qui ont été accepté dans des universités françaises mais se sont vu refuser leur visa ont perdu une année et iront très certainement ailleurs.
Découvrir une herbe peut-être un tout petit peu moins verte, mais accessible, ça donne envie de rester ailleurs. Là encore, il va falloir faire beaucoup.
« Droits de l’homme », vraiment ?
Cette image de la France a aussi été écornée internationalement. Car de nombreuses associations, marocaines ou françaises, ont relevé l’incohérence entre cette attitude et l’affirmation habituelle d’être le pays des droits de l’homme.
Même l’organisation patronale française, le Medef, avait protesté. Ce ne sont pourtant pas des islamo-gauchistes !
Un recours a même été déposé devant les instances européennes. C’est long, mais ce n’est pas très beau…
Sauvegarder un partenariat exceptionnel en Afrique
Perte d’influence française en Afrique
Expulsée du Mali, en posture difficile au Burkina-Faso où le sentiment anti-français se développe et se manifeste dans la rue, en difficulté aussi au Togo et au Cameroun à travers les ennuis judiciaires de Vincent Bolloré, la France a aussi vu un certain nombre de ses partenaires historiques tomber dans la crise, comme la Tunisie.
Virage à 180° pour la France
Le discours de Catherine Colonna, la ministre des Affaires Etrangères française ressemble à une défaite dans ce bras de fer, quand elle souligne que la France a « profondément changé »
la France souhaite être dans une relation de partenariat exemplaire avec le Maroc, un partenariat d’exception, fraternel et moderne.
Elle a souligné la nécessité de s’adapter aux « attentes légitimes » du Maroc qui évolue et qui entend jouer un rôle majeur en Méditerranée et en Afrique. Il s’agit de proposer au Maroc « ce que la France, qui elle aussi a profondément changé, a de meilleur« .
L’annonce du voyage reporté d’Emmanuel Macron : maintenant c’est possible
Rappelons quand même que ce dernier avait annoncé, au mois d’août, juste après son retour d’Algérie, qu’il allait visiter le Maroc au mois d’octobre.
Annonce qui avait été accueillie par la diplomatie marocaine sur le thème « ah bon ? on n’est pas au courant. »
Il a donc fallu que la France se résigne, préalablement, à ré-ouvrir les visas, pour que cette visite se fasse.
Et cela me rappelle une situation finalement assez semblable, en 2015, la brouille entre la France et le Maroc qui avait conduit à un an de suspension de la coopération judiciaire entre les deux pays… jusqu’à ce que la France plie !
En savoir plus
- Corruption au Togo & Bolloré : Nouvelle étape judiciaire
- "Des dirigeants du groupe Bolloré sont soupçonnés d’avoir financé la réélection du président du Togo, Faure Gnassingbé, par l’intermédiaire de la filiale Havas du groupe, qui aurait sous-facturé ses services en conseil politique. En échange, le dirigeant africain aurait permis à Vincent Bolloré de décrocher la gestion des ports de Lomé via une autre de ses filiales, Bolloré Africa Logistics."
- Emmanuel Macron: «j’irai au Maroc fin octobre» >
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