Le gouvernement Barnier compte dans ses rangs une députée des Français de l’Étranger, Anne Genetet, élue depuis 2017 dans l’immense 11° circonscription. Nommée au Ministère de l’Education, elle se fait violemment critiquer, sur la base d’une absence de compétences dans ce domaine (et sur son activité liée à la ).
Que dire alors de Sophie Primas, nommée ministre déléguée chargée du Commerce extérieur et des Français de l’étranger ?
Une inconnue sans compétences particulières dans le domaine
Soyons honnêtes, en dehors de ses électeurs et des spécialistes de la politique, qui connaissait cette sénatrice ? Surtout parmi les Français de l’Étranger ? Sa présidence de la Commission des Affaires économiques peut lui donner une légitimité pour le Commerce Extérieur, mais pour nous ?
En douze ans de mandature au Sénat, elle est liée à seulement deux textes liés aux Français de l’Étranger : une proposition de loi à propos du FATCA pour les « Américains accidentels » (étrangers nés aux Etats-Unis qui découvrent qu’ils y ont des obligations fiscales, proposition déposée par Jacky Deromedi, sénatrice représentant les Français hors de France) et ce remarquable (ironie) texte proposé par Évelyne Renaud-Garabejian et Jean-Pierre Bansard, eux aussi sénateurs des Français de l’Étranger, visant à « Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l’étranger« .
Si l’intention est louable, le texte est juste ahurissant :
Proposition de loi visant à reconnaître et à soutenir les entrepreneurs français à l’étranger
Article 1er
Un entrepreneur français à l’étranger est un citoyen de nationalité française, inscrit au registre des Français établis hors de France, qui crée une société de droit local et qui la détient à plus de 50 % de son capital, ou au maximum de ce qu’autorise le droit local lorsqu’existent des conditions restrictives de possession d’une société par un associé étranger.
Article 2
Le recensement des entrepreneurs français à l’étranger répondant aux critères définis à l’article 1er est confié à un comité d’identification établi auprès de chaque ambassade, placé sous la responsabilité des services économiques et constitué de l’union des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger et des conseillers du commerce extérieur de la France.
Article 3
Le label « Made by French » est automatiquement octroyé aux entrepreneurs français à l’étranger répondant aux critères définis aux articles 1er et 2 de la présente loi.
Les entrepreneurs ayant obtenu le label « Made by French » sont regroupés dans un répertoire public unique.
Un décret en Conseil d’État définit l’autorité compétente chargée de la délivrance du label « Made by French » et de la tenue du répertoire public unique.
A quoi ça sert ?
Quand on connait le fonctionnement des instances locales qui attribueraient ce label, on peut se poser des questions. On peut aussi se demander ce qu’il apporte par rapport à une inscription à la Chambre de Commerce française locale ? Et s’amuser, au nom de la défense de la langue française, du « Made By French » ! Et en quoi il peut être une garantie de qualité ? (Il faudra un jour que je vous parle de certaines marcellisations faites via la Chambre de Commerce).
Sophie Primas peut-elle défendre nos intérêts ?
Les Français de l’Étranger ne sont pas « que » des exportateurs de cette « marque » France. Notre soutien passe par beaucoup d’autres choses plus immédiates que ce label : l’accès à un compte bancaire en France, l’accès à une identité numérique, la liquidation rapide de nos dossiers de retraite, par exemple. Nous avons besoin d’un Ministre qui connaisse nos enjeux.
Le ministre de la Fonction Publique, Guillaume Kasbarian a promis de «débureaucratiser» les administrations. Or cette débureaucratisation, en tant que Français de l’Étranger, nous en faisons déjà les frais : les crédits consulaires sont réduits, le Ministère des Affaires Étrangères s’est déjà « recentré sur ses missions essentielles » en supprimant les notariats consulaires, ce qui pose problème pour les contrats de mariage, entre autres. Sans parler des très longs délais pour le traitement de l’enregistrement des mariages à Nantes…
Une vision particulière de la laïcité
Enfin, sa vision de la laïcité me choque, en tant que Française de l’Étranger dans un pays musulman où 60% des Français sont des bi-nationaux et donc essentiellement des musulmans.
Elle a en effet été signataire de la proposition de loi visant à ce que toutes les fédérations sportives interdisent le port du voile. Mais cela ne l’empêche pas de partager sa foi catholique largement sur X, soit directement, avec ce post sur la fête de l’Assomption, fête très catholique qui a une véritable signification politique. Or aucune autre religion n’a eu droit à un post similaire…
https://x.com/sophieprimas/status/1824009847089562091
Si on y ajoute les reposts d’autres twittos comme Georges Naturel, sénateur caldoche… « la messe est dite ». Or ce que je reproche ici, c’est un manque de cohérence entre une position de défense de la laïcité et une défense des valeurs catholiques…. alors qu’elle entre dans une fonction où elle devrait avoir la prudence diplomatique !
Les Français de l’Étranger, un ministère « touche à tout »
En réalité, pour être un bon Ministre (ou Secrétaire d’État) des Français de l’Étranger, la bosse du commerce n’est pas la première qualité requise.
Il faut comprendre de façon détaillée les conditions de vie des quasiment 1,7 millions de Français, dont les situations sont très variées, « expats » ou « émigrés » (autrement dit partis pour quelques années ou pour un vie), fonctionnaires, salariés, entrepreneurs, femmes au foyer suivant leur époux. La plupart de nos problèmes ont une connotation juridique ou fiscale. Nos situations financières sont variées. Je crois que nous méritons un Ministre à part entière, qui ne nous donne pas l’impression d’être un outil dans la gestion de la balance commerciale française. Et cela nous pousserait peut-être à nous intéresser un peu plus aux élections !
En savoir plus
- Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger
- «Américains accidentels» concernés par le FATCA - Sénat
- La sénatrice Sophie Primas, une spécialiste de la consommation, nommée au Commerce extérieur
- Agriculture, énergie et consommation sont, selon Public Sénat, les points forts de Sophie Primas. Pas les Français de l’Étranger !
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