Si vous ne l’aviez pas remarqué, O-Maroc est sans publicité. La nouvelle loi de finances 2018 ne nous concerne absolument pas, par contre, même si elle est, a priori, dirigée « contre » les régies publicitaires et les annonceurs, elle peut aussi concerner beaucoup plus directement les milliers de sites qui font des revenus via les annonces Google. Milliers de sites dont les revenus, qui vont des quelques dirhams à quelques milliers de dirhams par mois, sont le plus souvent non déclarés. L’amendement passé en toute discrétion, par surprise, a-t-il été réfléchi ? Comment est-il – ou pas – applicable concrètement ?
Le principe de la loi : la taxation des publicités sur écran
Le fisc et l’état marocain ne sont pas différents des autres : l’économie virtuelle doit être taxée, comme les autres. Google et Facebook sont particulièrement dans le collimateur, comme AirBnB et Uber, dont la légalité n’est toujours pas officielle.
L’amendement « taxe d’écran » est sans doute, d’ailleurs, une conséquence directe des travaux de la commission qui réfléchit à imposer Google et Facebook au Maroc.
La taxe d’écran jusqu’au 31 / 12 / 2017 : cinéma et télévision
Quoi qu’il en soit, la taxe d’écran au Maroc, c’était un peu comme la vignette en France : une taxe mise en place pour financer quelque chose (la création audiovisuelle), remplacée par une autre (des taxes sur les factures d’électricité), qui doit disparaître, mais qui ne disparaît pas (le taux est simplement baissé de 10% à 5%, en France elle mettra cinquante ans à disparaitre totalement).
Jusqu’à l’année dernière, elle consiste simplement en une taxe frappant les publicités à la télévision et dans les salles de spectacles. Les publicités à la radio, dans la presse, sur panneaux, etc. ne sont pas concernées. Les annonceurs doivent remplir chaque mois une déclaration des annonces programmées pour le mois suivant, et verser les droits correspondants (5% du montant brut) à l’administration fiscale. Les déclarations doivent être visées par les régies publicitaires pour la télévision, si l’annonceur ne traite pas en direct.
Les budgets publicitaires sont souvent fixés plusieurs mois à l’avance. Bien que lourde, cette procédure reste « faisable ».
Mais cette année tout change : « tous les écrans »
Le législateur est conscient qu’une bonne partie de l’activité « image » s’est déplacée sur internet. Cela explique la taxe sur la copie privée qui frappe les disques durs. Et, en toute logique (logique fiscale), le législateur ne veut pas perdre son droit de timbre de 5% (qui devait pourtant disparaître en 2008), et décide de taxer toutes les publicités sur « la télévision ou sur tout autre type d’écran » (ordinateurs, portables, smartphones, mais aussi écrans de diffusion dans les lieux publics, etc.).
A partir du 1° janvier 2018, lorsque les annonces sont achetées à des organismes non résidents chargés de la gestion ou de la ventes d’espaces publicitaires (en clair, Google et Facebook), l’annonceur doit déclarer lui-même les publicités « commandées » par cette régie.
Et le principe de solidarité remonte jusqu’à l’exploitant du site internet
C’est là que l’article 183 frappe. Cet article, jusqu’à l’année dernière, ignorait totalement la taxe sur les écrans. Cette année, il précise que
Être solidaire, cela veut dire devoir payer à la place de quelqu’un, si ce dernier ne s’acquitte pas de sa dette. Comme dans une caution solidaire…
La rédaction de l’article met bien au même niveau les annonceurs, les régies (organismes chargés de la gestion ou de la vente) et les sites internet (on aurait mieux fait de dire « les organismes exploitant les sites internet », mais bon…), autrement dit, ce qu’on appelle les éditeurs. Si « site électronique » était au même niveau que « sur écran », le législateur aurait écrit « sur les sites internet ». Et il n’a pas besoin de le faire puisqu’il a déjà précisé « tout autre type d’écran.
Bref, si la régie est étrangère, c’est à l’annonceur de payer. Et si l’annonceur ne paye pas, l’éditeur, celui qui a engrangé le revenu publicitaire, est solidaire.
Mais la publicité sur Internet ne fonctionne pas comme celle sur la télévision ou au cinéma….
Les revenus ne sont pas connus à l’avance
Il y a la possibilité de signer des accords et de vendre directement des campagnes de pub, c’est plutôt rare. 95% des revenus publicitaires sont liés à de la publicité Google ou de l’affiliation, autrement dit ne sont connus qu’après coup, quand la régie envoie son rapport en vous disant combien de commissions vous avez gagné et quelle facture vous devez émettre.
Les revenus ne sont pas détaillés par annonceur ou par support
Je sais combien Google me permet de gagner en publicité, mais je n’ai aucune idée des annonceurs. Je peux juste exclure certains affichages sur mes pages, mais pas en choisir. Et Google personnalise ses pubs et n’a certainement aucune envie de donner une information très confidentielle.
Dans le cas des commissions d’affiliation, par contre, il est possible d’avoir cette information.
Quatre ans après, la taxe d’écran est toujours là
Si les professionnels ont réussi à obtenir quelques aménagements, la taxe de 5% est toujours présente dans le code des impôts. Une belle longévité pour une taxe censée prendre fin en 2008 !
En pratique, aucun éditeur de site n’a été poursuivi, et je n’en connais aucun qui la paye.
Les grosses agences, celles qui négocient de gros budgets pour leurs clients sur Facebook ou Google la payent certainement, mais vous n’en savez rien, n’est-ce pas ?
En même temps, les petits éditeurs font rentrer des devises au Maroc. Ils ne risquent donc pas grand chose. Mais il s’agit d’une des nombreuses épées de Damoclès dont dispose le fisc, en cas de contrôle.
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