La campagne de lutte contre le racisme qui a démarré le 21 mars est une excellente chose. C’est aussi, pour nous, expatriés, l’occasion de faire un point sur « les » racismes au Maroc, qui sont nombreux.
Racisme entre marocains ?
Les relations au Maroc sont encore très influencées par l’origine locale, la tribu. On sera soussi (de la région d’Agadir) avant d’être berbère, et si on est berbère, on n’est pas arabe. L’identité nationale marocaine est réelle, mais au lieu d’être un creuset, c’est une sorte de « tableau d’honneur », un chauvinisme, qui se superpose à cette appartenance « ethnique » ou « tribale ». Cette dernière est nettement plus importante au quotidien.
Le véritable clivage est au niveau de l’ethnie. Il suffit de lire cette discussion sur Yabiladi pour voir que, près de 1.500 ans après, on s’interroge encore pour savoir si le renom religieux de Fès a été instauré par des berbères ou des arabes. Un peu comme si, en France, il était encore important de savoir si les Hospices de Beaune (et le vignoble qui va avec) avait été fondé par le Roi de France, ou par le Duc de Bourgogne allié aux Anglais… En quelque sorte, le Maroc est un immense mélange de Basques, de Bretons, de Corses et de Franciliens !
Le racisme anti-noirs ne commence pas aux Sub-Sahariens
La campagne « Je ne m’appelle pas Azzi » est directement ciblée sur la reconnaissance des sub-sahariens, comme on dit pudiquement. Elle est en effet portée par le GADEM et d’autres associations qui agissent pour la régularisation des sans-papiers. Un des slogans en est
« Hier colonisés, Aujourd’hui exploités, Demain régularisés »
et elle vise d’abord et avant tout cette régularisation.
«La régularisation ne passe pas sans l’intégration. Et une intégration pleine et réussie suppose la fin de la discrimination raciale »
explique l’un des responsables de la coordination « Papiers pour tous » mais elle ne doit pas masquer que ce racisme anti-noirs est réel au sein de la société marocaine.
En effet, qui sont les noirs marocains ?
Essentiellement des descendants d’esclaves. Si les berbères du sud se sont naturellement mélangés avec les mauritaniens, maliens, etc (surtout à l’époque du grand Maroc qui descendait jusqu’au fleuve Sénégal), la très grande majorité des noirs marocains, à commencer par les Gnaouas, sont des descendants d’esclaves. Et, inconsciemment au moins, consciemment parfois, les descendants des maîtres n’oublient pas cette origine infamante. D’autant plus facilement qu’elle entraîne une position sociale moins élevée, qui permet de justifier le racisme « autrement ».
Au delà même de cette origine ethnique, comme dans beaucoup de pays africains, la peau claire est très valorisée. On trouve dans les rayons des supermarchés des produits éclaircissant la peau. Mariée à un berbère du sud à la peau caramel, j’ai souvent entendu, dans le nord, des réflexion sur sa couleur de peau. Pas toujours méchantes, certes, mais choquantes parce qu’elles prouvent à quel point la couleur de peau est remarquée. (Bien entendu, je parle de réflexions de la part de gens que je ne connaissais pas, ou très peu).

Et les européens dans tout ça ?
Il serait illusoire de croire que les expatriés au Maroc sont exempts de tout racisme.
Tous ceux d’entre nous qui vivent en couple mixte le savent bien. Combien de fois ai-je entendu, devant mon mari et moi, des remarques désobligeantes sur « les marocains » ? Comme si il n’avait pas d’oreilles, ou comme si, par le simple fait magique de notre mariage, il ne faisait plus partie de ces « marocains qu’il faut savoir gérer, qui travaillent mal, qui… «
J’ai toujours du mal à comprendre qu’on puisse vivre dans un pays étranger – surtout un pays comme le Maroc – et faire preuve d’un véritable racisme. Je pense là aux nombreux français qui avaient voté Front National à une élection présidentielle.
Il suffit de lire les « échanges » sur certains groupes d’expatriés sur Facebook pour voir à quel point certains seraient heureux de vivre dans un Maroc débarrassé de tous les marocains. Ils sont ici pour le soleil et la vie bon marché, pas pour le Maroc.
Racisme ou énervement ?
D’autres se laissent simplement aller à la facilité, et ventilent en public un énervement bien légitime – que les marocains partagent d’ailleurs – face à la corruption ou à certaines attitudes. Mais ils oublient qu’il vaut mieux rester discret quand on est « chez les autres », critiquer une personne spécifique et pas « les marocains » ou « les ouvriers marocains ».
Un expatrié a toujours des moments de blues, de fatigue. Quand on est « chez soi », on est habitué à certains comportements, et puis on sait bien qu’ils ne sont pas le fait « des français » mais « de ce français là ». La tentation de dire pis que pendre « des marocains » est naturelle. Je l’ai eue contre « les belges », « les allemands » et « les anglais », trois pays où j’ai vécu.
Mais dans le contexte particulier du Maroc, ancienne colonie, les expatriés français devraient faire plus attention à ne pas froisser l’orgueil national de nos hôtes. Ne pas oublier que, pour chaque problème administratif qu’ils rencontrent, les immigrés marocains rencontrent bien pire en France. Garder leurs énervements pour les face-à-face « dans la vraie vie », et ne pas donner du grain à moudre aux marocains qui accusent « les français » d’être arrogants.
Pour en revenir à « Azzi », le noir
Les marocains ont découvert ce racisme brutal, qui tue, il y a quelques mois. Et cette découverte a soulevé une très belle et très importante vague d’indignation. Les marocains qui ont étudié ou travaillé en Afrique Noire ont rappelé à quel point ils avaient été bien accueillis, sans racisme.
Le Maroc va-t-il arriver à bien traiter ses immigrés et ses clandestins ? Ce serait une belle leçon à donner à d’autres pays.
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13 commentaires
Chère Madame , voici un lien sur le mot race avec un petit commentaire à la fin sur le terme :
https://www.huffingtonpost.fr/2015/09/27/oncp-nadine-morano-race-blanche-dictionnaire-laurent-ruquier_n_8202250.html
Tout d’abord les relations blanc/noir sont imprégnées d’histoire favelas au Brésil , Ghetto aux USA , banlieue de Stains en France ….
Ensuite , même si les Marocains utilisent le terme , celui ci ne convient pas cf le commentaire du petit ou gros ROBERT ci dessus
Enfin l’Etat existe bien avant l’époque moderne en Europe Dans le basssin méditerranéen, les Byzantins avaient une administration très développée . Comme Aristote , elle arrive chez les califes dont le fameux Aroun Al Rachid.
En conclusion l’ »islamophobie » est le pire mépris envers les Hommes car il annihile le genre humain .
Enfin les acteurs du commerce transsaharien ( traite des esclaves ) ne sont pas mentionnés dans votre lutte contre les préjugés au Maroc ( cf la ville Sidjilmassa dans le désert)
Je cite vos propos : » la domination des marocains blancs sur les harratines par exemple, ait été considérée comme un ordre social nature » contre cette phrase, je vous renvoi à l’idée de l’économiste Milton Fridmann (maitre à penser de R Reagan) et a sa conception de « société de la faim « .
Mabrouk El Aïd MADAME
Cher Monsieur,
vous mélangez beaucoup de choses pour servir une thèse avec laquelle je ne suis pas d’accord et que je ne veux pas voir discutée sur ce blog, car elle est totalement hors sujet.
Vous me permettrez donc, en tant que « propriétaire » de cet espace, de vous résumer mon opinion personnelle et de clore ainsi la discussion :
Bonjour , Madame premièrement je suis un homme d ou « je suis choqué » sans e ensuite votre article posé un vrai problème de fond peut on employer un mot étranger pour décrire une société étrangère
Cher Monsieur, désolée pour cette erreur de genre.
Néanmoins, je ne comprends toujours pas votre question…. en tout cas, je vous rappelle que, lorsqu’ils parlent français, les marocains eux-mêmes l’utilisent très largement pour décrire le phénomène. Qu’un certain nombre d’entre eux qui ne sont pas victimes de cette discrimination en nient l’existence est tout à fait exact. Comme de nombreux anciens colons sont persuadés que la colonisation était bénéfique et pour le pays et ses habitants.
Par contre, ceux qui font les frais de cette discrimination n’hésitent pas à parler de racisme.
Or il se trouve que, dans ce blog, on parle français, pas arabe (ni classique, ni darija). Utiliser un « autre mot », si tant est qu’il existe, serait incompréhensible.
Enfin, il est peut-être possible que le racisme n’ait pas existé avant l’arrivée des colons. Que la domination des marocains blancs sur les harratines par exemple, ait été considérée comme un ordre social naturel. Les choses évoluent.
De la même façon, le concept d’état n’existait pas en Afrique du Nord avant le XIX°, ni en Europe avant le XVIII° . C’est le propre de l’espèce humaine d’évoluer et d’adopter de nouveaux concepts.
Aujourd’hui, le racisme existe en Afrique. Appelez le comme vous voulez :)
Et Mabrouk El Aïd
Bonjour , Je suis choqué par le mot utilisé : race ce mot bien occidental et qui trouve sa racine au XIX notamment chez Gobineau : l’inégalité des races Race racisme mépris du pauvre envers le riche , blanc envers le noir ou encore je ne sais quoi. Racisme au Maroc ? De quoi ! du pauvre envers le riche ? A Ceuta les subsahariens attendent la loterie européenne . Le noire ,mal aimé, maudit par canaan ……
Bonjour Sanou,
personnellement je suis choquée par votre aveuglement et votre partialité.
Vous êtes la première à utiliser le mot « race » sur cette page. J’ai parlé de peuples, de tribus, d’ethnies, de nationalités, de couleur de peau et de racisme.
Si vous vivez au Maroc sans vous rendre compte de la réalité des racismes qui y existent, comme dans tous les pays, il y a trois possibilités :
Maintenant, permettez-moi de vous rappeler ce qu’est le racisme : c’est une discrimination négative exercée envers l’autre en fonction de critères de « naissance ». Le mépris des riches envers les pauvres est condamnable, mais ce n’est pas du racisme. L’islamophobie est condamnable, mais ce n’est pas du racisme.
Comme je l’ai dit dans l’article, mon mari a une couleur de peau foncée. Comment appeler la réaction de certains marocains à la peau claire quand ils froncent les lèvres en le voyant ?
Maintenant, si vous êtes tellement remplie de préjugés envers l’occident que vous ne pouvez pas accepter un « mot », libre à vous d’en proposer un autre. Changer la façon ne nommer la réalité ne change rien aux choses. Par contre, c’est le processus habituel des dictatures, Orwell (encore un occidental, excusez-moi) l’avait bien décrit dans 1984.
Faites attention à vous choquer à propos.
LoL
Je savais que la base de l’ignorance consistait à commenter un post sans le lire mais la wellah jamais vu ca !
Hello Claude,
Je suis tombé par hasard sur ce site et ton premier commentaire m’a laissé perplexe. Tu parles d’activisme contre-productif de certaines asso dans la région de Dunkerque.
Il s’avère que je suis né la bas et j’ai grandi près de Dunkerque. ( je suis d’origine marocaine)
pourrais- tu préciser stp ?
Pour info là je vis en région parisienne et croyez moi je sens la Différence.
Dans la région nord de la France la racisme est latent et hypocrite et sournois. Il est caché mais bel et bien présent.
La racisme anti noir au Maroc l’est tout autant. Il est tout aussi répugnant.
L’islam nous « interdit » d’être raciste, pourtant voilà l’humain a dû mal à se débarrasser de ces bas instincts
Marie Aude : tu parles d’échange de certains expats sur facebook…. je penses que il faut leur dire à ces gens-là : » le Maroc tu l’aimes ou tu le quitte »
dixit : N Sarkozy à notre égard :-)
dernière chose : sachez que nous ( marocain nés en France) : on nous aime ni en France au Maroc. Ou que ce soit on nous reproche quelque chose.
Après je penses que le racisme c’est pour les faibles qui ne ferons rien de bien dans leur vie car sils seront toujours frustrés… Alors que être tolérant apaise ….
Cordialement
Ach la quiche
Je n’ai pas eu l’impression d’avoir excusé quoi que ce soit, ni qui que ce soit, dans le domaine du racisme au Maroc , j’ai tout simplement voulu mettre le doigt sur l’amalgame entre 2 formes de racisme anti black, subsaharien migrant , ou Marocain depuis la nuit des temps, qui sévissent actuellement au Maroc, qui n’ont pas de cause commune, et s’adressent à des « clientèles » différentes aussi bien du coté des victimes que de l’autre ….
Désolé de t’avoir surprise et choquée.
Bonsoir Marie Aude,
Je trouve votre article très intéressant et sachant que je vais bientôt m’installer au maroc avec ma famille, pour raison professionnele, j’avoue que lire ces paragraphes n’est pas rassurant du tout. Je vis actuellement à Bahrein et croyez moi, le racisme existe bel et bien ici, mais les gens ne sont pas agressifs contrairement à ce qui peut se passer au maroc.
Cela fait peur car j’ai fille de 6 ans, comment allons nous supporter ce racisme?
j’attends vos conseils
Bonsoir Carla,
je pense que le racisme ici correspond à peu près à ce que vous vivez à Bahreïn, avec quelques changements (par exemple, si j’ai bien compris lors de mes discussions sur le web, il y a dans toute la péninsule arabique une très forte affirmation de la supériorité arabe qu’on perçoit très peu ici, uniquement dans certains milieux). L’agressivité, en dehors des cas qui ont fait réagir le pays, est rare. Elle s’adresse essentiellement aux migrants (il)légaux, d’une part, et d’autre part aux petits, qui sont les victimes de la hogra.
Au Maroc, il vaut mieux être pauvre et « clair » que « pauvre et foncé », et il vaut mieux être riche. Cela dit, les choses entre marocains se passent de façon policée, et aussi vis à vis des étrangers. En ce qui concerne les occidentaux, il y a un certain rejet dans des zones très touristiques, Marrakech essentiellement, qui souffrent de la crise, cela va rarement au delà des mots lancés dans la rue.
Je suis plus embêtée par les mecs qui me draguent lourdement que par ceux qui me reprochent d’être française.
Tout dépend aussi de où on vit, certains endroits sont plus protégés que d’autre. A partir du moment où vous êtes bien habillé, avec une belle voiture, la seule chose que vous risquez réellement, c’est une agression crapuleuse si vous trainez là où il ne faut pas, comme dans n’importe quelle grande métropole… et un traitement par la police de votre plainte qui dépendra beaucoup de votre nationalité.
On vit bien au Maroc. Il ne faut pas peindre la société en tout rose, mais pas non plus se faire peur.
Si vous voulez en discuter plus en détail, envoyez moi un message via le formulaire de contact !
Bonjour,
Je pense qu’il ne faut pas faire l’amalgame ente 2 situations totalement différentes ……
– Le racisme conjoncturel surtout urbain , récent, très limité géographiquement, , qui vise les migrants subsahariens , défendus par la même intelligentsia qu’en Europe. et dont , je ne pense pas que la population marocaine de base souhaite la régularisation (c’est un avis perso !)
et
– le racisme structurel et culturel , qui s’apparente plus à une forme douce de ségrégation , envers les gens « foncés » descendant d’esclaves, qui vivent dans des villages bien à part ou des quartiers de ville séparés, et qui font l’objet de railleries et de vexations , genre etre servi après les « plus clairs » dans les épiceries, ou au marché. et qui sont 100 % marocains et intégrés !!!
Pour moi , la plupart des assocs sont souvent contreproductives, leur activisme provoque parfois une accèlération du mouvement de rejet ! voir ce qui se passe dans la région de Dunkerque …
Ton commentaire me surprend. Et me choque. Il y aurait donc un racisme « justifié » , et un autre qui serait une « forme douce de ségrégation » … je viens de rajouter un lien dans l’article, je te le remets ici, pour que tu vois la « forme douce » que prend la ségrégation : https://web.archive.org/web/20190216050849/http://qandisha.ma:80/2014/03/22/malika/
Non, on ne peut pas séparer les deux. C’est « parce que » les noirs sont la victime d’un racisme permanent en Afrique du Nord (j’ai eu des témoignages d’Algérie, de Tunisie, où c’est la même chose), qu’on finit par se permettre de tuer un noir, un noir qui aurait été la victime d’un racisme « conjoncturel ». Sauf que, pas de bol, ce noir là n’était pas un migrant subsaharien, c’était un étudiant, avec une carte de séjour, tout ce qu’il est légal.
Il faudrait donc se taire, pour ne pas accélérer le rejet ? C’est vrai que quand on ne dit rien, il finit par ne plus y avoir personne à rejeter, ce qui simplifie les choses. Fernandel le disait en son temps, avec son sketch sur les étrangers qui mangeaient le pain des français…
Finalement, si un noir me dit qu’il n’y a pas de racisme au Maroc, que ce n’est pas grave, ou que cette campagne est une mauvaise chose, je prendrais son opinion au sérieux, et j’essayerai de comprendre pourquoi il me dit cela. Mais tant que ce sont ceux qui n’en souffrent pas…