Nous recevons beaucoup de demandes de conseil de la part de personnes qui souhaitent être « entre deux », travailler au Maroc sans y être résident, ou qui essayent de conserver les avantages concédés aux non-résidents tout en ayant leur carte de séjour.
C’est très difficile, et, sauf cas très particulier, on découvre peu à peu plein de petits problèmes, qui peuvent devenir de très gros problèmes en cas de pépin ou de contrôle. Cet article a donc pour objectif de faire le point sur plusieurs questions, et d’essayer de vous aider à y voir plus clair sur les critères de choix, quand le choix est possible. Ou d’avoir une vision claire des risques que vous courez si vous décidez d’avoir une résidence « au milieu du détroit ».
Clairement, notre conseil est double :
- faites les choses légalement
- si votre situation, notamment patrimoniale, est un peu complexe, faites bien analyser par un expert fiscal connaissant les deux côtés du détroit (c’est d’ailleurs un service que nous proposons).
Résident au Maroc, en France, en Belgique, en Suisse… ce qui détermine la résidence
En pratique, on ne choisit pas d’être résident ou non-résident. On choisit un mode de vie, et ce mode de vie détermine la résidence. Le « choix » n’est possible que dans quelques cas très particuliers, à la marge.
Être résident d’un pays, c’est y avoir son domicile habituel.
Le critère généralement admis, validé par de nombreuses conventions internationales, c’est le critère des six mois. Au-delà de 183 jours par an dans un pays, on en est de facto résident.
Ces 183 jours n’ont pas besoin d’être consécutifs.
Aussi, de nombreux européens qui profitent de la règle des trois mois sans visa, font un petit saut de quelques jours au-delà des frontières marocaines, reviennent pour trois mois, etc… sont en réalité des résidents sans carte de séjour. On verra après ce que cela implique.
Détail important : ces 183 jours sont calculés sur une année civile.
Être résident d’un pays, c’est y avoir son rattachement économique
Dans le cas, pas si rare, de personnes qui partagent leur vie entre trois pays au moins, il est tout à fait possible qu’elles n’atteignent pas les 183 jours par an dans aucun pays.
On raisonne alors en « centre économique » : dans quel pays la personne a-t-elle le plus de biens ? (immobilier, oeuvre d’art…) Dans quel pays génère-t-elle le plus de revenus ? Et finalement, dans quel pays réside-t-elle le plus longtemps, même en dessous des 183 jours ?
Ce qui ne dépend pas de la résidence
On va commencer par ce qui ne change pas ! Quand on est en visite dans un pays, un certain nombre de règles s’appliquent, en particulier tout ce qui concerne les crimes, les délits, le code de la route…
Ce qui est lié à la nationalité

Par exemple, que l’on soit résident au Maroc ou en France, les règles pour un mariage franco-marocain restent les mêmes, seules certaines formalités de détail changent.
Très curieusement, que l’on soit officiellement résident au Maroc ou pas, la priorité donnée aux enfants de français pour l’accès aux écoles OSUI / AEFE s’applique de la même façon (et heureusement, vu le nombre d’enfants scolarisés dans un pays où les parents ne résident pas !)
La définition des crimes et des délits
A de rares exceptions près, la plupart des délits sont considérés de la même façon : un meurtre, un chèque en bois, un excès de vitesse sont toujours illégaux, qu’on soit résident ou pas.
Par contre, la sanction peut-être différente. Et plus dure vis-à-vis de la personne non-résidente, parce qu’elle risque de quitter le pays, on aura donc plus tendance à lui demander de régler immédiatement son amende ou même à la mettre en prison préventive.
Ce qui change quand on devient résident marocain
Le changement de résidence implique :
- la possibilité de travailler en tant que salarié
- un changement de rattachement fiscal, on devient taxable par défaut au Maroc
- un changement dans les prestations sociales, on perd certaines prestations européennes, on bénéficie de prestations marocaines
- un contrôle des changes marocain beaucoup plus strict
- la nécessité d’immatriculer sa voiture de façon immédiate au Maroc
- selon la nationalité et le(s) pays où on a d’autres revenus, un éventuel risque de double imposition
La possibilité de travailler en tant que salarié
C’est une des conséquences directes de l’octroi de la carte de résident. Il faut passer par une procédure d’autorisation d’embauche à l’ANAPEC (voir notre article sur l’obtention de la carte de séjour et du permis de travail).
Quand on est résident sans dépendre d’un contrat de travail (par exemple, parce qu’on a sa propre société, ou parce qu’on a épousé un(e) marocain(e), cette procédure d’autorisation d’embauche est une formalité, et la carte de résident est le synonyme de l’autorisation de travail.
En étant salarié, on est bien sûr inscrit à la CNSS et on cotise à la sécurité sociale et à la retraite marocaine. On peut, en plus, s’inscrire à la caisse des français de l’étranger (CFE) ou à son équivalent pour d’autres pays.
Les revenus sont taxables au Maroc
Par défaut, tous les revenus qui ne sont pas liés à la location de biens immobiliers sont taxables dans le pays de résidence.

Retraites et pensions
Les retraités français bénéficient d’une convention avantageuse qui leur permet de domicilier leurs revenus au Maroc et d’être taxés dessus uniquement au Maroc (plus en France, puisqu’ils ne sont plus résidents), à un taux avantageux. Cependant, l’analyse doit être faite dans chaque cas.Cet avantage n’est pas spécifique aux retraités français. Les retraités belges qui résident au Maroc ne sont pas exemptés du précompte professionnel, c’est la même chose pour les rentiers suisses (et si vous étiez un travailleur étranger en suisse, vous risquez même, en devenant résident marocain, de perdre totalement vos droits à la pension AVS).
Revenus du travail
Les salaires sont taxés au Maroc (avec un prélèvement à la source, d’ailleurs).
Si vous êtes auto-entrepreneur, ou que vous travaillez sous le régime de la personne physique, c’est la même chose, sauf que vous devez déclarer vos revenus.
Si vous avez une société, celle-ci va théoriquement vous embaucher et vous verser un salaire. Vous pouvez aussi toucher des dividendes, qui sont taxables au Maroc.
Attention, au delà des six mille dirhams net par mois, l’imposition sur le revenu est assez lourde.
Autres revenus
Les autres revenus vont être :
- les loyers de biens, imposés dans le pays où se trouve le bien, qui risquent d’être aussi imposés au Maroc s’il n’y a pas une convention avec le pays d’origine pour éviter la double imposition
- les dividendes, revenus distribués par votre société, avec la même problématique
- les plus-values lors de la vente de biens, ou les plus-values liées aux placements financiers
- des revenus divers, comme les droits d’auteurs
L’ensemble de ces revenus est donc théoriquement taxable au Maroc.
Le changement dans les prestations sociales
Un grand nombre de prestations sociales sont soumises à un critère de résidence
En France, c’est notamment le cas de :
- la sécurité sociale
- la plupart des régimes complémentaires
- des prestations complémentaires qui sont plus du ressort de la solidarité, comme certaines allocations pour les personnes handicapées.
En ce qui concerne la sécurité sociale et les régimes complémentaires, la Caisse des Français de l’Étranger permet de rester dans le régime français, pour les prestations de sécurité sociale comme pour les cotisations retraites. Par contre, pour les allocations de la famille « solidarité », elles ne sont simplement plus versées lorsque l’on est résident à l’étranger (mais on en retrouve le bénéfice en rentrant en France).

Les prestations sociales marocaines sont moins intéressantes
En particulier, pour la retraite, il est recommandé de continuer à cotiser en France. Pour le reste, en prenant une assurance complémentaire, qu’elle soit à la CFE ou locale, vous serez très correctement couverts.
La CFE vous donne une sécurité supplémentaire, en cas de retour en France.
Le risque en cas de fausse déclaration
Il est bien évidemment tentant, surtout lorsqu’on est un résident « non déclaré » (celui qui passe la frontière tous les trois mois), de ne pas informer la sécurité sociale en France de son absence longue durée.
Tant que cela va bien, il n’y a pas de problème. Mais :
- si vous vous faites régulièrement rembourser des prestations marocaines, et surtout des prestations qui ne correspondent pas à ce qu’un touriste demanderait
- si vous avez un accident ou une maladie grave qui nécessite un traitement couteux
il y a un gros risque que la sécurité sociale fasse une enquête et vous refuse les remboursements.
Le contrôle des changes s’applique plus strictement pour les résidents
C’est sans doute une des découvertes les plus désagréables que peuvent faire les européens qui arrivent au Maroc, surtout les jeunes qui ont oublié que l’Europe, la France en particulier, a aussi connu un contrôle des changes. Par rapport à la liberté de l’espace européen, le Maroc est une forteresse.

Le principe : le dirham n’est pas convertible, et ne peut pas sortir du Maroc.
Les non-résidents ont la liberté d’ouvrir un compte bancaire, il sera alors « convertible » (ils peuvent récupérer leur argent, en euro ou dans la devise qui leur convient, comme ils le souhaitent).
Pour respecter la non-convertibilité du dirhams, cela veut dire qu’il est impossible de déposer des dirhams sur un compte convertible. Celui-ci ne peut-être alimenté que par des versements en devises, en provenance de l’étranger (pour les versements en euros, en espèces, c’est possible dans une limite de temps assez courte suivant l’entrée dans le pays, et sur la production de la déclaration de l’importation de devises, faite à la douane).
A l’inverse, un résident étranger ne peut pas « sortir du dirham » (c’est-à-dire le convertir) comme il le souhaite. La conversion de dirhams dans une autre devise est soumise à une autorisation par l’Office des Changes. Si les procédures sont facilitées pour les entreprises qui font de l’import-export, elles existent.
Pour les particuliers, c’est plus compliqué, car il faut justifier de l’origine des fonds et qu’ils ont bien été soumis à l’impôt marocain. C’est un grand classique lors de la vente d’un bien immobilier.
Les risques ?
Le contrôle des changes est pris très au sérieux par le Maroc, d’une part. D’autre part, en cas de transaction au black, notamment dans le cas de l’immobilier, s’il est toujours possible de monter des systèmes avec des paiements qui se font directement entre deux comptes bancaires étrangers, il ne faut pas oublier que :
- l’acheteur comme le vendeur, du fait de la transaction illégale, perdent quasiment tout pouvoir de recours (c’est ce que nous expliquions à propos des contrats de bail entre étrangers)
- le transfert de propriété peut-être contesté au Maroc, parce que le prix de vente semble anormalement bas
- en France, la banque ou le fisc peuvent demander l’origine des fonds, c’est généralement le début d’une période difficile de contrôles et vérifications…
La voiture… la cerise sur le gâteau !
Importer une voiture étrangère au Maroc coûte assez cher à cause des droits de douane (là aussi on vous prépare un article complet).Ce sont clairement des mesures protectionnistes, et ça marche bien, car le Maroc se taille une part de plus en plus importante dans l’industrie automobile. Les droits de douanes sont moins élevés pour les voitures neuves importées au Maroc (donc vendues par des concessionnaires marocains) grâce aux accords avec l’Europe.

L’utilisation de voitures étrangères par un non-résident
Le non-résident peut utiliser sa voiture six mois par an, en une ou plusieurs fois. Il s’agit d’une année civile, c’est donc six mois du 1° janvier au 31 décembre. A partir du premier jour du septième mois, la voiture doit être, au choix :
- rapatriée hors des frontières
- mise sous douane, c’est-à-dire stockée dans un entrepôt des douanes, celles-ci disposent de la clé, et le stockage n’est pas gratuit
- dédouanée et immatriculée au Maroc
Cette limitation est liée à la plaque minéralogique. Le numéro d’immatriculation est d’ailleurs inscrit sur votre passeport, et sur un registre informatique. Il n’y a pas de vrai possibilité d’y échapper (et attention, en cas de grave accident, la mise à la casse de la voiture pose problème car il faudra malgré tout dédouaner la voiture).
Par ailleurs, un non-résident, ne disposant pas d’adresse fixe au Maroc, ne peut pas faire immatriculer une voiture à son nom.
Les trois seules possibilités pour avoir une voiture douze mois par an :
- disposer de deux voitures qui passent chacune six mois en Europe
- prendre une voiture en location de longue durée, via une entreprise
- avoir un ami marocain qui achète la voiture et vous la laisse conduire
L’utilisation de voitures étrangères par un résident
Là c’est encore plus simple : un résident n’a pas le droit de conduire une voiture immatriculée à l’étranger au Maroc, et doit faire immédiatement dédouaner son propre véhicule.
C’est un sujet sur lequel la police ne plaisante pas en cas de contrôle. Et, comme en Europe, la douane a le droit de vous contrôler n’importe où au Maroc.
Par ailleurs, les assurances font aussi partie des prestations qui sont liées à un critère de résidence. En clair, cela veut dire que votre carte verte n’est plus valable et que vous roulez sans assurance, en Europe comme au Maroc. Je vous laisse évaluer les conséquences en cas d’accident grave avec des blessés…
En conclusion, comment dégager des revenus professionnels sans être résident au Maroc ?
Pour des revenus ponctuels, exceptionnels, facturez à partir d’une structure étrangère, et faites-vous payer en devises. Cela prendra un peu de temps à votre client marocain, pour obtenir l’accord du Contrôle des Changes, mais c’est la meilleure solution.
Pour des revenus réguliers, créez une société au Maroc, qui encaissera en dirhams. Donnez-lui une activité d’import-export, pour faciliter l’ouverture d’un compte convertible, et facturez-lui des prestations de services à partir d’une société étrangère. Ces facturations doivent rester réalistes, et ne doivent pas mettre le bénéfice à zéro. Cette solution coûte plus cher, puisque vous devrez domicilier la société et payer un expert comptable et des impôts, c’est la seule qui soit réellement viable si vous ne souhaitez pas devenir résident.
Les faux « non résidents » bloqués par le confinement
Cela ne faisait pas partie des problèmes graves que nous évoquions dans cet article, mais les deux années « Covid » ont vu leur lot de drames humains pour les étrangers qui passaient la frontière tous les trois mois.
Dans le meilleur des cas, ils se sont retrouvés coincés au Maroc largement au delà des trois mois ; à la fin du confinement, ils ont bénéficié de procédures d’exception leur permettant de sortir du Maroc sans payer l’amende légale pour dépassement de délai du visa.
Mais ils n’ont pas pu bénéficier d’aucune aide, ni de celles accordées aux salariés au Maroc, ni des aides d’urgence du consulat français distribuées aux résidents, ni des aides de l’état français. Particulièrement difficile pour tous ceux qui vivaient du tourisme.
Dans le pire des cas, ils se sont retrouvés bloqués en France ou ailleurs, où ils étaient partis pour des vacances. Les autorisations exceptionnelles de retour au Maroc étaient effectivement réservées aux nationaux et aux résidents … Familles séparées, pertes de revenus, etc.
Correction de deux informations :
- la durée de six mois pour un véhicule étranger se calcule sur une année civile
- les avantages consentis aux retraités résidents au Maroc ne sont plus réservés aux Français
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106 commentaires
Bonjour,
je suis de nationalité française. Est ce que je peux devenir résident marocain mais continuer à travailler pour, et être rémunéré par ma SASU domiciliée en France ?
Bonjour, c’est possible oui. Un peu compliqué à gérer fiscalement, mais tout à fait faisable. Vous souhaitez qu’on en parle plus en détail ?
Bonjour,
Je suis binationaux : né en France et fils de parents marocains émigrés en France.
Je suis résidents français depuis ma naissance et prévois de le rester pour le moment.
En revanche, je me rend régulièrement au Maroc quelques mois dans l’année pour du tourisme et visite de la famille.
J’ai donc la carte d’identité française avec une passeport français mais aussi la CNI marocaine le tout sur mon adresse de résidence en France.
Ma CNI marocaine a expirée depuis quelques années déjà.
Je souhaiterai la renouveler à la mairie de la ville de mes parents au Maroc afin d’y mettre l’adresse marocaine de la maison de mes parents.
Cela me permettrai apparemment de pouvoir immatriculer au Maroc un véhicule à mon nom afin de pouvoir m’y déplacer lorsque j’y suis. La CNI ne me servira à rien d’autre, aujourd’hui je la présente uniquement lorsque j’atterris au Maroc pck les agents de la Douane me la demande, mais c’est visiblement pas obligatoire).
C’est tout. Je ne souhaite faire aucun autre changement.
Qu’en pensez-vous ? Est-ce le droit en tant que binationaux ? Est-ce que cela aura un impact au niveau de l’administration française ?
Merci beaucoup par avance pour votre retour.
Bonjour
vous avez le droit de le faire. La seule chose qu’il faudra vérifier, c’est que vous êtes bien couvert en terme d’assurance, avec une adresse marocaine et un permis français. Je l’ignore
ah oui, je compte repasser le permis marocain pour l’occasion afin d’être en règle sur ce point.
Alors ce sera parfait.