Eh oui, aussi surprenant que cela puisse paraître quand on voit l’usage, les droits d’auteur sont légalement protégés au Maroc, pays signataire de la Convention Internationale de Berne, transcrite en droit marocain par deux lois :
- la loi n° 2-00 concernant les droits d’auteur et droits voisins, promulguée par le dahir n° 1-00-20 du 9 kaada 1420 (15 février 2000) ;
- la loi n° 34-05 qui complète et modifie la précédente, promulguée par le dahir n° 1-05-192 du 15 moharrem 1427 (15 février 2006).
En février de cette année sont parues deux lois complémentaires, visant à améliorer la protection des oeuvres sur internet, la rémunération des éditeurs et mettant en place un Bureau marocain des droits d’auteur :
- la loi n°66-19 modifiant et complétant la loi n°2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins ;
- la loi n°25-19 relative au Bureau marocain des droits d’auteur et droits voisins.
La Convention de Berne et le copyright à l’anglo-saxonne
La Convention de Berne date de 1886 !
C’est grâce à cette convention internationale, signée par le Maroc sous le protectorat, le 16 juin 1917, qu’une oeuvre est protégée du seul fait de son ехіѕtеnсе (sous condition, pour l’auteur, d’arriver à prouver qu’il est bien l’auteur…).
Le traité a été régulièrement amendé, modifié, par différents traités, le dernier étant le traité de Paris, en 1971 , signé par le Maroc le 24 juillet 1971 et ratifié le 17 février 1987. Enfin le texte initial de la Convention de Berne a été modifié une dernière fois le 29 septembre 1979.
Je vous raconte tout cela pour vous prouver que c’est de l’histoire ancienne et que n’importe quel juriste ayant fait ses études après 1987 devrait maîtriser сеѕ tехtеѕ sur le bout des doigts.
La protection automatique et quasi-universelle des oeuvres de l’esprit
La Convention protège « toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression« , autrement dit, les textes et les photos publiés sur ce site, à partir du moment où ils présentent une certaine originalité (et croyez-moi c’est le cas), sont protégés. Ce que je rappelle dans ma page sur les mentions légales, ainsi que dans une autre page, sobrement intitulée « copyrights« , toutes les deux incluses dans les menus du site et donc accessible de toutes les pages du site.
Cette protection existe dans tous les pays signataires de la Convention :
Les œuvres ayant pour pays d’origine l’un des États соntrасtаntѕ (c’est-à-dire dont l’auteur est un ressortissant d’un tel État ou qui ont été publiées pour la première fois dans un tel État) doivent bénéficier dans chacun des autres États contractants de la même protection que celle qui est accordée par lui aux œuvres de ses propres nationaux (principe du « traitement national »).
Autrement dit, mes textes, rédigées par une Française, publiés pour la première fois sur un site géré par une Française résidente au Maroc, à travers une société marocaine, sur un serveur français facturé par une société marocaine (quand j’étais chez Ovh) et maintenant une société française, sont protégés dans tous les pays ѕіgnаtаіrеѕ de la fameuse convention.
Et cette protection est automatique :
La protection ne doit être subordonnée à l’accomplissement d’aucune formalité (principe de la « protection automatique »)
A la différence du copyright anglo-saxon
En effet, en droit anglo-saxon, l’oeuvre qui n’est pas publiée n’est pas protégée. Dans mon cas, ça ne joue pas, mais imaginons que j’écrive un roman, que je l’envoie à des maisons d’édition et qu’un affreux Gargamel intercepte mon courrier, publie le roman à son nom… je suis bien démunie (et c’est pour ça qu’il y a le principe de l’enveloppe Solo).
Donc tous les copyscape et autres dépôts sont juste des fioritures, bonnes à faire peur aux petits enfants.
Encore un site qui me copie …
La « jolie » copie sans charme, sans travail aucun, juste copier le code source et le recoller dans la page. D’où les liens nоmЬrеuх qui pointent vers O-Maroc.
Oh je suis en bonne compagnie, on trouve par exemple un article de Youssef Belarbi, de TelQuel, des textes de lois sans aucun rapport les uns avec les autres, une vidéo sur une Chaine Youtube avec six abonnés (les membres de la société copieuse ?), un article de la Tribune sur la RSE, des textes de loi français…. bref, un amoncellement « acadabrantesque » de textes vaguement reliés au domaine juridique, sans aucune originalité, sans aucun lien entre eux (càd sans aucune stratégie de référencement) et qu’on a juste mis là, j’imagine, pour justifier une facture au client final.
Et c’est un site d’avocats !
C’est cela qui m’amuse énormément. Un site d’avocats, qui revendiquent dans leurs compétences …
Je cite (partiellement, à titre d’illustration venant étayer mon propos, une des exceptions permettant de copier une petite partie d’un texte dans un autre) :
Le droit de la propriété intellectuelle est le droit qui protège les droits immatériels. […] inclut principalement : le droit d’auteur, […] sont également inclus : les droits voisins du droit d’auteur, le droit sui generis des bases de données (note de moi : donc les données des sites webs) […] La meilleure des propriétés intellectuelles est celle dont il est pris soin le plus tôt possible […] Au vu de l’expansion des imitations de marques […] d’appropriation intellectuelles illégales […] l’assistance de notre cabinet vous sera très utile […] en prenant votre défense si vous êtes victime d’abus.
C’est fou, non, un cabinet d’avocats proposant des services pour la défense de la propriété intellectuelle, tout en ayant un site rempli de textes copiés dans le plus bel irrespect des droits d’auteurs ?
Celle-là, on ne me l’avait jamais faite… j’ai eu des dizaines d’agences de voyages, de boites immobilières, de blogueurs compulsifs, mais des avocats, jamais.
(En vrai, j’imagine qu’ils n’ont pas dû trop regarder. Mais, malgré l’absence totale – et illégale – de mentions légales sur le site, c’est le leur et c’est eux qui en sont responsables. Ce désintérêt pour le contenu d’un site web est un problème que je rencontre régulièrement avec mes clients…)
Les prochaines étapes ?
La première chose a été d’archiver le contenu (archive.org permet de le faire et est accepté comme élément de preuve par de nombreux tribunaux). Histoire que, dans les discussions à venir, on ne me fasse pas le coup de « oh c’est la stagiaire, ça y est c’est enlevé », lisez ma page « copyrights » pour comprendre pourquoi cela m’énerve.
Maintenant j’ai le choix entre plusieurs options :
L’option « grosse Bertha » avec envoi d’huissier
Ca marche… dans un autre temps j’ai même « chassé » de Ouarzazate un copieur qui avait été un peu trop abusif, qui a fuit à Marrakech quand l’huissier s’est pointé devant lui. Mais ça me fatigue d’avance.
Contacter le cabinet pour leur demander de m’assister dans un litige
Bien leur décrire le cas et leur annoncer, à la fin, que le copieur, c’est eux.
Je ne suis pas sûre qu’ils apprécient mon humour !
Contacter le cabinet pour leur proposer une formation au respect des droits d’auteurs sur internet
Cf. point précédent.
En tout état de cause, je veux obtenir le retrait du texte et un dédommagement. Ce n’est pas la première fois que je vois le nom de l’agence en bas de page dans des cas de copies de mes textes, et s’ils ont un problème avec moi, le cabinet d’avocats se retournera contre eux.
La suite bientôt !
En savoir plus
- Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques
- La Convention de Berne, le texte fondamental qui protège les "droits d'auteurs et droits voisins", adoptée en 1886 et signée par le Maroc le 16 juin 1917.
- Droits d’auteur et droits voisins : les éditeurs de journaux marocains obtiennent enfin gain de cause - LesEco.ma
- Du changement dans le monde des droits d'auteurs au Maroc, avec une protections des éditeurs et auteurs sur internet. >
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4 commentaires
bonjour Marie-Aude,
merci pour votre reponse, donc vous dites que l’editeur garantie le droit d’auteur, et si jamais cet éditeur reçoit mon fichie et qu’il l’éditeur au nom de quelqu’un d’autre ou à son nom?!
Pas exactement.
Une oeuvre de l’esprit (création littéraire, entre autres) est protégée dès sa création, même sans être publiée.
Néanmoins, en cas de plagiait, quel qu’il soit, il faut faire la preuve de l’antériorité de la création. C’est facile si l’oeuvre a été publiée, plus complexe dans le cas contraire.
D’où la pratique de l’enveloppe Soleau en France, qui évolue vers une version numérique https://www.inpi.fr/proteger-vos-creations/lenveloppe-soleau/enveloppe-soleau
Mais vous pouvez tout aussi bien faire vous même : imprimez votre texte (on est au Maroc, évitez les complications) et adressez-le sous pli scellé et recommandé à vous même (ou à un tiers, qui peut être juriste, mais ce n’est pas obligatoire, l’essentiel est que l’enveloppe reste fermée). En cas de litige, l’ouverture devant huissier et la date de la Poste feront foi.
C’est ce processus là qui n’est pas proposé au Maroc (et le BVAM semble ne s’occuper que des créations liées à l’audiovisuel), mais ce processus n’est qu’un moyen de preuve.
les droits d’auteur n’existent pas au maroc ! je me suis présenté au bureau BMDAV de Casablanca pour déposer mon oeuvre littéraire mais on m’a envoyé balader, m’expliquant qu’il n’y a pas de protection d’œuvres littéraires.
j’etais obligé de le faire à l’etranger en u. clin d’œil.
Et pourtant :) je vous garantis que les droits d’auteurs existent au Maroc. Y compris la protection d’oeuvres littéraires. Mais pas à l’américaine. On n’a donc pas besoin de « déposer » un livre, sa simple publication génère des droits d’auteurs. Vous confondez peut-être avec un procédé de type « enveloppe Solo » qui permet de prouver l’antériorité d’un texte non publié.