Le Maroc est un pays encore essentiellement rural. C’est aussi un pays très aride, en important stress hydrique depuis des années. Enfin, c’est un pays avec quelques zones très fertiles, en particulier la plaine des Doukkala et la Chaouïa, autour de Casablanca, et toute la région du Sous. Les zones de montagne voient la culture des pommes, noix, amandes… enfin, dans quelques régions, il existe des cultures très localisées qui s’exportent, comme le safran ou les roses.
Agriculture et industrie agroalimentaire : un secteur stratégique du Maroc
L’agriculture à elle seule représente 14% du PIB et emploie 4 millions de personnes. Si on ajoute l’industrie agroalimentaire, on arrive à 20% du PIB.
En terme d’exportations, en 2019, le secteur a globalement rapporté des devises pour un montant de 50 milliards de dirhams, soit 85% de plus qu’en 2010. En tout, le secteur représente 20% des exportations du Maroc, et un peu moins de 10% de ses importations. La balance alimentaire était en 2019 légèrement excédentaire, les exportations représentant 116% des importations.
Le Maroc cherche à la fois à atteindre l’autosuffisance (déjà réalisée dans un certain nombre de secteurs) et à développer des activités exportatrices importantes et génératrices de devises. C’est aussi un secteur avec beaucoup d’exploitations de petite taille, des techniques pas toujours modernes, des produits pas toujours de très bonne qualité (en tout cas sur le marché intérieur).
Enfin, c’est un secteur où les produits transformés sont rares. Pour résumer, le Maroc vend des tomates et des poulets, au lieu de vendre des sauces tomate et des nuggets. (Personnellement, je suis contre l’industrie des nuggets, mais c’est un autre débat).
Le Maroc se trouve au même stade que la France, dans les années 50. Celle-ci a réussi a développer une industrie agroalimentaire de premier plan. C’est la voie que le Maroc cherche à suivre, en l’adaptant à son propre contexte. Or les I.D.E. (Investissements Directs de l’Étranger, celui que vous faites quand vous venez vous installer au Maroc) sont beaucoup plus importants dans le tourisme que dans ce secteur. C’est sans doute parce qu’il est plus difficile d’investir dans une ferme que d’acheter un riad. Mais l’agroalimentaire ne se limite pas à la production, la transformation est aussi importante.
Secteur prioritaire et stratégique, c’est un secteur fortement aidé par l’état marocain, à tous les stades, financièrement et techniquement. C’est aussi un secteur très contrôlé, avec des contraintes particulières pour les étrangers, qui n’ont pas le droit d’acheter des terres agricoles. Ils peuvent, par contre, bénéficier de terrains appartenant à l’état (aux « Domaines ») qui sont concédés sur une longue durée pour être mis en valeur et exploités par le bénéficiaire.
Diminuer la dépendance alimentaire
Atteinte dans certains secteurs (la viande et le lait), la dépendance alimentaire s’aggrave pour d’autres produits, à la fois à cause de la hausse des prix mondiaux et à cause de l’augmentation de la demande. C’est le cas en particulier pour le blé, le sucre et les huiles.

La situation avec le blé est préoccupante. Il est la base du pain et du couscous, deux aliments essentiels pour les Marocains. La culture des céréales occupe environ 75% des superficies cultivées, mais sur les 9,5 millions d’hectares de terres cultivées, il n’y a qu’environ 1,4 million d’hectares qui sont irrigués. Une grande partie du blé marocain est du blé tendre, développé lors du Protectorat et beaucoup moins adapté au climat aride local que le blé dur, traditionnel jusqu’à l’arrivée des Français.
Les produits stratégiques du Maroc
Quand on pense « agriculture » au Maroc, on a tout de suite en tête les oranges, l’huile d’argan, l’huile d’olive… en réalité, les produits marocains sont beaucoup plus diversifiés.
Une des obsessions du Protectorat a été le développement de l’agriculture marocaine. En plus du blé, des agrumes et des produits maraîchers, il a aussi quasiment « créé » des productions comme les roses de Kelaa M'Gouna (pour l’industrie de la parfumerie à Grasse), les câpriers ou organisé la culture de produits déjà connus mais dont la production locale était faible, comme la tomate.
Enfin, des produits locaux comme le safran de Taliouine ont pu se développer à l’international avec la modification des marchés, les plus gros fournisseurs traditionnels, l’Iran et le Cachemire, ayant des problèmes de production ou même d’accès à l’export.
Voici quelques exemples d’opportunités, que ce soit à l’export ou sur le marché local :
La tomate et la sauce tomate
Le coût du transport de la tomate marocaine est supérieur au prix du produit. La tomate a été sélectionnée dans le plan Maroc Vert, avec les huiles et les abricots, pour un développement prioritaire des produits transformés.

Trois marques de sauce tomate marocaine, Delicia (groupe Bicha, qui fait aussi les conserves Joly), Aïcha (Conserveries de Meknès) et Star (Vinaigrerie Moutarderie du Maroc, qui fait aussi Pescada et El Baraka) proposent des produits simples : sauce tomate, concentré et sauce pizza. Absolument tout le reste (pesto, etc) est importé. Seule Star propose des sauces aromatisées à la viande, au basilic…et c’est récent (et pas très bon).
Ce qu’on peut faire :
- produits « identiques », mais bio,
- développement de variétés anciennes, comme une véritable coeur de boeuf,
- sauces élaborées avec des légumes, de la viande, des produits typiquement marocains (croyez-moi, j’ai testé maison, une sauce tomate aux oignons rouges et à l’huile d’argan, c’est délicieux),
- vendre la tomate marocaine sur de nouveaux marchés (les difficultés entre l’Europe et la Russie ont été une véritable opportunité pour le Maroc, qui cherche maintenant à se faire une place sur les marchés ukrainiens et polonais).
Agrumes, fruits et maraîchage
Le Maroc est à la fois importateur et exportateur. Sur les étals locaux, en fonction des saisons, le même produit pourra être local ou importé.
Le Maroc cultive de plus en plus de variétés locales pour remplacer les produits importés, d’une part, et pour se positionner à l’export, d’autre part. Depuis plusieurs années, différentes variétés de courge, par exemple, sont apparues à côté du classique potiron : la courge turban, la butternut, la jack-o-lantern, même.
Pour quelqu’un comme moi, passionnée de cuisine, c’est souvent une frustration, car ces nouveaux produits locaux ne correspondent pas toujours à mes attentes. Les grosses boules de céleri-raves importées ont été remplacées par du céleri-rave local, mais de toute petite taille (une boule marocaine faisant la taille d’un poing).
Ce qu’on peut faire :
- développer des produits bios
- développer de nouveaux produits, avec la qualité requise, comme par exemple les citrons caviar à Essaouira
- faire des produits transformés (confitures bio haut de gamme, pâtes de coing, etc.)
- faire du conseil, si on a un savoir-faire en agronomie
- ouvrir un magasin de produits de qualité, dans une grande ville
Les produits du terroir
Le plan Maroc Vert a défini 35 IGP et AOP et deux labellisations agricoles. Huile d’argan, huile d’olive, clémentine de Berkane, safran de Taliouine, dattes, grenade, figue de Barbarie, moutons Beni M’guil, lavandin… Tous ces produits sont portés par le gouvernement marocain qui aide déjà beaucoup les producteurs à faire des produits de qualité. C’est donc une source de produits fiable pour faire des produits transformés. Le Maroc les met aussi en avant lors des foires et salons internationaux, vous bénéficiez donc d’une aide à l’exportation.
Je vous laisse parcourir la liste de ces AOP et IGP marocaines ici.
Après vous avoir présenté la grande variété des produits marocains, vient la question de base :
Comment investir dans l’agroalimentaire au Maroc
Créer une société dans ce domaine n’est pas si simple que d’ouvrir un riad ou se mettre à son compte pour faire des sites web.
Il y a tout d’abord la contrainte de la nationalité, on doit être marocain pour posséder, directement ou indirectement, via une société, des terres agricoles (quand c’est la société qui est propriétaire, son actionnariat doit être majoritairement marocain).
Ensuite, il existe des normes sanitaires au Maroc. Si l’ONSSA continue de fermer les yeux sur les micro-exploitations, ou plutôt ne les contrôle pas en priorité, pour les entreprises nouvellement créées – particulièrement par des étrangers – les inspections et les contrôles sont réels et sérieux. Il faut donc être un professionnel du domaine, ou accompagné, on se s’improvise pas du jour au lendemain agriculteur ou spécialiste de la conserverie.
A l’inverse, si vous avez les qualifications nécessaires, c’est un secteur très aidé. Vous pourrez bénéficier d’aides financières importantes, à la fois de l’état marocain et d’organisations internationales, d’aides techniques et de support à l’exportation.
Je vous ai déjà donné des exemples plus haut, voici les types d’activités qui me semblent les plus intéressants :
- Améliorer la production locale
- Donner plus de valeur au produit
- Conquérir de nouveaux marchés export
- Créer des produits de niche pour le marché intérieur (ou même l’export)
Enfin, un cinquième type d’activité peut être très profitable : « vendeur de pelles », autrement dit fabricant, importateur, distributeur de produits pour l’agriculture, et en particulier tout ce qui touche aux techniques d’irrigation, aux énergies renouvelables et au développement d'une agriculture bio. Mais ceci est, à soi tout seul, un autre article !
En savoir plus
- Agriculture/souveraineté alimentaire : Le Maroc a vu juste
- Avec la pandémie de Covid, l'autosuffisance alimentaire est devenue stratégique pour de nombreux pays, y compris dans le monde développé. Le Maroc tire bien son épingle du jeu, grâce à une stratégie de développement cohérente sur le long terme.
- Sucre, céréales, huiles. Quand le Maroc rate le coche de son indépendance alimentaire
- Pour ces trois aliments, et plus particulièrement pour le blé, le taux de dépendance du Maroc a augmenté. Depuis cet article (2017) des efforts sont mis en place pour pallier la sécheresse, améliorer les rendements.
- Production, importations et exportations de produits agricoles depuis et vers le Maroc - Fellah Trade
- Le Maroc, premier producteur et exportateur mondial des câpres en vrac
- Le câpre, encore un exemple d'une production agricole exportée "non transformée", alors que le Maroc est leader sur le marché.
- La tomate : un concentré de mondialisation
Le monde de la tomate industrielle - auquel le Maroc ne prend pas part - décortiqué ici
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2 commentaires
Bonjour,
« Seule Star propose des sauces aromatisées à la viande, au basilic…et c’est récent (et pas très bon). »
Non, effectivement pas très bons, comme tous les autres produits de cette marque Star, d’ailleurs. On essaie une fois, pas deux. Les produits importés sont un peu plus chers mais incomparablement meilleurs. C’est dommage. On aimerait pouvoir acheter de bons produits marocains. Ca devrait être possible!
Bonjour
Bien sûr que c’ est possible avec la matière première qu’ il y a dans ce pays !
Perso c’ est un projet qui m’ intéresse .